La Balinière, une « folie » musicale !
(janvier 2020)

Le Centre musical de la Balinière a été inauguré en février 2000. Mais c’est au 18e siècle qu’a été érigée cette « folie nantaise ». Retour sur son histoire, de sa construction à sa restauration.

Le Centre musical de la Balinière fêtera ses 20 ans en février. Vingt ans de bouillonnement culturel, de moments magiques, de découvertes, de plaisir à apprendre, à progresser. Des millions de notes, justes ou fausses (!), se sont envolées entre les murs de cette belle bâtisse, ou dans ses jardins lors de concerts dans la cour ou dans les jardins. Mais qui donc a bâti puis occupé au fil des siècles ces lieux avant qu’ils ne soient dédiés à la pratique musicale ?

Une « folie » sobre

Selon les historiens, la première demeure connue sur le site remonte au règne d’Henri IV (1589-1610). Mais c’est à la fin du 18e siècle que ce qui était alors un domaine agricole va accueillir la « folie nantaise » que nous connaissons aujourd’hui. Les « folies » sont des maisons de campagne que des bourgeois nantais construisent à cette période. Ils ont souvent bâti leur fortune sur la traite négrière. C’est le cas de la famille Bourgault-Ducoudray, négociants et armateurs, qui est l’origine de la Balinière dans les années 1775. L’architecture de l’ensemble, en U avec deux ailes délimitant la cour, n’est pas la plus répandue parmi les « folies ». L’ornementation se veut sobre, sans ostentation. Autour, des fermes et des terres cultivables sont exploitées au profit des propriétaires de la maison bourgeoise.

Prise dans le tourbillon de l’Histoire

La Balinière rencontre peu de temps après sa construction les turbulences de l’Histoire. Pendant la Révolution française, elle abrite un poste républicain, en 1793-1794, mais est épargnée par les guerres de Vendée. Bien plus tard, en 1940, ce sont les Allemands qui réquisitionnent ses murs, transformant une partie en hôpital, l’autre en casino. Là aussi, sans dommages pour la propriété. Mais revenons en arrière. Il semble que la famille Bourgault-Ducoudray n’ait vraiment habité la Balinière que sur la période 1828-1858. Et l’un de ses membres, Louis-Albert, comme un clin d’œil à la future école de musique, était un compositeur et musicologue réputé à l’époque.

Des Castors dans le parc

La Balinière avec son clocheton, début XXe siècle

Dans la seconde moitié du 19e siècle, c’est une autre famille, les Jamin, qui prend possession des lieux. Jules Léon Jamin, qui fut conseiller municipal de Nantes, président du Conseil général et sénateur de Loire-Inférieure, réalise une extension à la Balinière, faisant construire ce qui est aujourd’hui le hall d’accueil de l’école municipale de musique et de danse. Au début des années 1950, les propriétaires vendent une partie du parc pour la construction de 101 maisons Castors. On peut encore voir, notamment le long de la rue Victor-Fortun, les murs d’enceinte qui entouraient le parc de la Balinière.

Achetée par la Ville

L’année 1987 marque le début d’une nouvelle ère pour la Balinière. Elle n’est plus habitée depuis deux ans. La Ville la rachète pour éviter sa disparition dans une opération immobilière. Très vite naît le projet de la transformer en centre culturel musical, où ancrer et développer l’école municipale de musique et de danse, créée en 1979. Alors directeur de l’école de musique, Philippe Le Corf, qui deviendra plus tard le premier directeur de la Balinière, découvre avec ravissement « un lieu magique, idéal pour en faire un beau bâtiment culturel ».

Un accord parfait

Las, le projet met plus de temps que prévu à voir le jour. La rénovation du bâtiment s’annonce lourde et il faut rassembler les financements nécessaires. En 1994, les Rezéens peuvent profiter des jardins de la Balinière, restaurés par le service espaces verts de la Ville et dessinés par l’architecte rezéen Bernard Richeux, fidèle aux plans du 19e siècle de ce beau jardin à la française. Fin 1998, démarrent les travaux d’une restauration complète du bâtiment, les architectes veillant à préserver au maximum son identité. Le chantier dure un an, pour un coût de 23 millions de francs, partagé par la Ville, l’Etat et la Région. L’inauguration du centre musical a lieu le 12 février 2000. « Beaucoup de Rezéens ne connaissaient pas ce lieu. Nous avons souhaité une grande inauguration pour le faire découvrir. Près de 10 000 personnes sont venues », se remémore l’ancien directeur de la Balinière. Le temps a depuis confirmé la belle symphonie entre le site et son usage. « La musique est une notion vivante, qui n’a pas d’âge quand elle est redonnée à entendre. Un lieu c’est pareil, il prend une nouvelle fonction et redevient vivant », conclut Philippe Le Corf.