Livreurs, artisans, restaurateurs… Les professionnels se déplaçant à vélo sont de plus en plus visibles dans les rues. L’association Les Boîtes à vélo nantaises anime un réseau de 35 adhérents sur le territoire de la métropole. Ses actions visent l’essor de l’entreprenariat à vélo. Pour Romain Allais, son chargé de développement, le recours des entreprises au vélo est multifactoriel : « Il est lié aux difficultés d’accéder aux villes, à la motivation écologique, à l’acculturation, à l’offre en matériel et entretien qui explose… »
Environ 70 professionnels circulent exclusivement à vélo dans la métropole nantaise. Ils parcourent en moyenne plus de 10 km par jour et évitent d’émettre 600 kg de CO2 par an. « On peut utiliser le vélo pour presque tous les métiers », ajoute-t-il en citant un DJ, un luthier, un ergonome à vélo à Nantes et, à Rezé, la coiffeuse Aurel B, le réparateur de vélos le Rayon voyageur, et les cinq « artisans cyclistes » que nous avons rencontrés.
« Un coup de jeune au métier de plombier ! »
Dix ans déjà qu’Anthony Marchand arpente à bicyclette les rues de Rezé et de Nantes avec son matériel
de plombier-chauffagiste. Il a démarré avec « un vélo classique, des sacoches et une remorque » avant de s’équiper cinq ans plus tard d’un vélo-cargo.
L’artisan voulait « allier indépendance, liberté de circulation et proximité client ». Son mode de transport demande plus d’organisation mais ne limite pas le type d’interventions. Pratiquer un métier de l’artisanat à vélo fait évoluer son image. « Ça lui redonne un coup de jeune », estime Anthony Marchand.
« C’est de l’ordre du bonheur »
Le vélo est à la fois l’outil de déplacement et l’objet du travail d’Antoine Chauvin. Éducateur mobilité vélo, il propose des ateliers de remise en confiance, surtout pour les seniors, et d’initiation pour les scolaires. En 2020, alors salarié au nord de Nantes, il s’était mis au vélo pour aller travailler et n’est plus descendu de la selle ! « C’est quelque chose de l’ordre du bonheur, que j’ai eu envie de transmettre », analyse-t-il.
Dans sa nouvelle activité, Antoine Chauvin apprend les bases de la sécurité dans la conduite comme dans l’entretien du matériel, « sans casser le sentiment de liberté, ni le côté plaisir. Il est possible pour chacun de rouler à vélo en milieu urbain ».
Une évidence pour « un métier nature »
Le hasard des rencontres fait parfois bien les choses. Un stage chez un jardinier nantais à vélo a conforté Emmanuel Garcia dans son désir de se déplacer ainsi. « Je l’imaginais forcément comme ça pour un métier nature. » Son mode de déplacement propre s’intègre dans sa pratique du métier : utilisation d’outillage manuel au maximum, refus des produits phytosanitaires…
Si sa remorque lui permet d’évacuer les déchets verts, le jardinier les limite au maximum, notamment par la tonte en mulching (technique de tonte qui broie l’herbe et la laisse sur le gazon). Il a vite constaté que « le vélo intrigue, quand [il] le stationne à la déchetterie ou devant une maison. Il suscite de la sympathie et des échanges ».
Avec 1 200 km parcourus en 4 mois, Emmanuel Garcia peut se réjouir d’un départ vert sur les chapeaux de roues !
« Une forme de militantisme »
Le vélo comme outil de travail, Frédéric Bouchereau connaît. Il a été vélo taxi, livreur pour un magasin bio nantais durant sept ans avant de créer Le Jardin des vers en 2017.
Tournées autour des déchets, du recyclage et de l’alimentation, ses activités ont aussi pour point commun le vélo. Qu’il collecte les épluchures et déchets de restaurants et professionnels rezéens pour en faire du compost, qu’il récupère des pains de la veille des boulangers pour nourrir les canards qui entretiennent son jardin, ou qu’il livre le kéfir qu’il produit, Frédéric Bouchereau fait quasiment tous ses déplacements à vélo.
Et sans assistance électrique ! « C’est une forme de militantisme. Si l’on veut changer les choses, il faut commencer par soi », estime-t-il. Sans oublier de vanter le côté « pratique, fiable et économique » de la bicyclette.
« Simplicité et proximité »
Avant de se reconvertir dans l’artisanat, Jocelyn Gouriou avait dans sa vie quotidienne mesuré les bénéfices des déplacements à vélo : pas d’émissions de CO2, de bouchons, de frais d’essence ou de stationnement. En tant que professionnel, le vélo s’est imposé à lui pour « sa simplicité au quotidien », dans des centralités urbaines de moins en moins adaptées à l’automobile.
Se déplaçant dans un rayon de 6 km, l’électricien fait revivre un artisanat de proximité. « Je suis réactif vis-à-vis des clients, c’est facile de faire un petit crochet », note-t-il. Et si le vélo a encore pour certains une connotation « petits travaux », Jocelyn Gouriou tient à donner un léger coup de sonnette : « Avec une bonne organisation, on peut faire tout type de chantiers ! »