Une Rezéenne reconnue Juste parmi les nations
(mai 2016)

Marie-Yvonne Rahir a sauvé un petit garçon juif pendant l’Occupation. Un acte courageux pour lequel elle est aujourd’hui reconnue Juste parmi les nations à titre posthume. Un hommage lui a été rendu le 9 mars 2016 en mairie.

L’histoire aurait pu ne jamais être révélée au grand public. Elle a passionné deux enseignants du lycée Louis-Jacques-Goussier et leurs élèves. Ils sont à l’initiative de la reconnaissance de Marie-Yvonne Rahir en tant que Juste parmi les nations*. L’histoire est celle de Dov Pereg, dit Loulou, un petit garçon juif caché pendant la Seconde Guerre mondiale chez les Rahir. Loulou a aujourd’hui 79 ans et vit en Israël.

Durant deux ans, Loulou (avec Maryvonne sur la photo) partagera la vie des Rahir.

De ces deux années passées à Rezé, il n’a rien oublié. Le 9 mars dernier, il était là pour participer à la cérémonie d’hommage à cette femme qu’il avait pour habitude d’appeler Maman Rahir. « En février 1944, mon père a été arrêté à Levallois-Perret puis déporté à Auschwitz, explique Loulou. Pour me protéger, ma mère m’a envoyé en province. Avant de monter dans le train, elle m’a dit : « une dame avec un journal sous le bras t’attendra sur le quai de la gare à Nantes ». » Cette dame, c’était Marie-Yvonne Rahir. « Je ne sais pas si ma mère la connaissait. Cela reste un mystère. »

Le petit garçon d’à peine sept ans arrive alors à Rezé chez les Rahir. Les bombardements contraignent la famille à quitter la ville pour se réfugier aux Moutiers. De retour à Rezé à l’approche du Débarquement, la vie reprend son cours. Loulou mène une vie normale. « Il allait à l’école et jouait avec les autres enfants du quartier », explique Maryvonne Garreau, la fille de Marie-Yvonne Rahir, de quatre ans sa cadette. « Personne ne savait qu’il était Juif. Ou alors ils fermaient les yeux. »

Marie-Yvonne Rahir

Une femme au grand cœur

En 1944, Loulou est gravement blessé à la jambe en passant sous des barbelés. Marie-Yvonne Rahir remue ciel et terre pour éviter l’amputation de l’enfant. Il est opéré sans anesthésie à la morgue de l’hôpital, pour ne pas éveiller les soupçons. Son rétablissement, il le doit ensuite à « Maman Rahir ». Pendant plus de deux mois, elle est à son chevet. Un dévouement total salvateur : Loulou se rétablit.

Maman aimait par-dessus tout s’occuper des autres. Elle considérait Loulou comme son propre fils. Elle a tout fait pour qu’il guérisse, ajoute Maryvonne.

En 1944, les bombardements contraignent la famille Rahir à quitter la ville pour se réfugier aux Moutiers. Sur la photo, les deux enfants, Loulou et Maryvonne, et Marie-Yvonne Rahir (à droite).

Des retrouvailles 60 ans plus tard

À la fin de la guerre, Loulou rejoint sa mère à Paris. Il ne reverra jamais son père, mort à Auschwitz. En 1954, il part vivre en Israël. Ce n’est que bien plus tard qu’il raconte son histoire à ses proches. « Après la guerre, tout était tombé dans l’oubli », regrette Loulou. En 2009, il revient à Rezé et recherche la famille Rahir sans succès ; Marie-Yvonne Rahir étant décédée en 1987. Grâce à Jean Seutein, habitant passionné d’histoire, et au service municipal des archives, le lien sera fait plus tard avec Maryvonne. En 2011, les deux compagnons de jeux se retrouvent pour la première fois après soixante ans. Le 9 mars dernier, ils étaient à nouveau réunis pour un moment qui restera gravé dans leur mémoire.

Je ne pourrai jamais dire assez merci à Maman Rahir, Dov Pereg, dit Loulou.

*Juste parmi les nations : une haute distinction
C’est la plus haute distinction civile décernée par l’État d’Israël à des personnes non juives. Elle récompense le courage de tous ceux qui n’ont pas hésité à mettre leur vie en danger pour sauver des Juifs persécutés par l’occupant nazi. Le titre de « Juste parmi les nations » est remis par l’institut Yad Vashem. Les noms des 26 119 personnes à avoir obtenu cette reconnaissance à travers le monde figurent sur un mur d’honneur à Jérusalem.
En France, 3 925 personnes sont reconnues Justes parmi les nations. Marie-Yvonne Rahir est la 15e en Loire-Atlantique.

Le devoir de mémoire des lycéens

Dov Pereg dit «Loulou» et Maryvonne Garreau
entourés des élèves du lycée Goussier.

C’est en travaillant avec ses élèves sur l’histoire d’un autre Juif, le docteur Zeiler, que Laurent Priou, alors enseignant au lycée Louis-Jacques-Goussier, découvre l’histoire de Loulou. En 2011, il le fait venir à Rezé. Son témoignage devant les lycéens est poignant. Le professeur et ses élèves veulent aller plus loin et faire reconnaître Marie-Yvonne Rahir comme Juste parmi les nations. Un travail de longue haleine que va poursuivre Laurent Maillet, un autre enseignant du lycée Goussier : « Il a fallu rechercher des témoignages, des photos. Nous les avons étudiés en classe et vérifié leur validité. Un travail de fourmi effectué sur plusieurs années en lien avec Dov Pereg et Maryvonne Garreau. » Le nom de Marie-Yvonne Rahir est désormais inscrit sur le mur d’honneur à Jérusalem.  Le 10 mars, Loulou et Maryvonne Garreau sont revenus au lycée Goussier. L’occasion de partager cette histoire avec d’autres élèves et de dire un grand merci aux élèves et enseignants qui ont accompli « un formidable travail de mémoire ».