« Un mur gallo-romain au fond de notre jardin »
(janvier 2017)

Les habitants du bourg vivent sur un sol riche en objets et traces de l’Antiquité. Certains d’entre eux font d’étonnantes découvertes. Et peuvent voir leur terrain investi par des fouilles archéologiques préventives.

« C’est quelque chose de spécial, nous allons vivre pile au-dessus d’anciennes civilisations. Nous aimerions conserver un bout de ce mur gallo-romain situé au fond de notre jardin. » Houari Belghomari et sa famille ne vivent pas encore dans leur maison mais l’imaginent déjà très bien. Ils ont eu tout loisir d’y réfléchir : leur terrain, situé avenue des Treilles, près du site gallo-romain Saint-Lupien, a fait l’objet de deux mois et demi de fouilles archéologiques préventives.

Houari Belghomari et sa famille vont vivre sous des vestiges.

Rezé, la ville la plus fouillée

Distinctes des fouilles programmées, ces opérations sont prescrites par le service régional de l’archéologie (SRA), un service de la Drac des Pays de la Loire (Direction régionale des affaires culturelles). Elles visent à prélever et à recenser le maximum d’informations, afin de connaître les occupations successives d’un site. Qui étaient nos ancêtres ? Comment vivaient-ils ? Quels étaient les objets du quotidien ?

Conservateur du patrimoine au SRA, Jocelyn Martineau est chargé d’instruire ces dossiers de fouilles. Ses visites à Rezé sont fréquentes. « De tout le département, c’est la ville où j’ai le plus de dossiers à traiter, c’est aussi vrai au niveau régional. Du fait des recherches très anciennes menées sur Rezé, on a un regard vigilant sur le secteur », décrypte-t-il.

Des fouilles pour « compléter le puzzle »

Le zonage archéologique de Rezé, défini par l’État en 2014, a encore renforcé cette attention. Sur une partie du bourg, cœur présumé de la cité antique de Ratiatum, tout projet d’aménagement supérieur à 20 m² fait désormais l’objet d’une phase de diagnostic puis, si nécessaire, de fouilles préventives. C’est ce qui s’est produit récemment avenue des Treilles, mais aussi rue Camille-Jouis. Dans les deux cas, des restes de voies antiques et de bâtiments associés ont été découverts. Pour Jocelyn Martineau, l’intérêt de telles fouilles est de dénicher « un morceau de l’histoire de Rezé, qui va se greffer à d’autres morceaux. Le zonage archéologique nous permet d’avoir plus de dossiers qu’avant, de compléter le puzzle. »

Leur jardin fourmille d’objets

Bernard et Mireille Richeux ont découvert un creuset de bronzier qui sera exposé au Chronographe.

Les habitants du quartier qui vivent dans des maisons anciennes n’ont pas, sauf projet d’extension, connu de fouilles préventives. Beaucoup apprécient leur environnement relié au passé. Pour Bernard Richeux, qui vit avec sa femme Mireille rue Maurice-Monnier depuis 1981, l’histoire familiale se conjugue avec l’histoire plus lointaine, leur maison ayant appartenu aux grands-parents de Bernard. Le jardin fourmille d’objets et de vestiges d’époques non identifiées : morceaux de tuiles et de briques, deux grosses pierres cubiques, une pierre lisse qui serait une ancienne borne de géomètre… Preuve de l’intérêt du lieu, une série de sondages a été conduite dans la propriété au cours des années 1980 et 1990. Plusieurs objets ont été trouvés, dont un creuset de bronzier. Un courrier de Nantes Métropole a prévenu le couple Richeux que cette découverte serait exposée au Chronographe. Situé sur le site Saint-Lupien, le nouveau Centre d’interprétation archéologique va permettre de valoriser les découvertes faites à Rezé et dans la métropole.

 

« Une épaisseur de l’histoire »

Jacques Daniel est arrivé en 2009 rue Saint-Lupien.

Jacques Daniel, qui vit au-dessus des vestiges, ressent « comme une épaisseur de l’histoire. C’est comme si on était reliés. »

Un quartier que le professeur d’histoire n’a pas choisi au hasard. « Je voulais m’imprégner du lieu », raconte-t-il. Sans creuser – c’est interdit sans autorisation –, il a découvert fortuitement sur son terrain un peson de tisserand romain en terre cuite et une petite tête de statuette votive. « C’est comme un don, un dépôt qu’il faut préserver. Le sous-sol est riche, mais il a été pillé. Quand on est propriétaire, on est le gardien de ce patrimoine, il faut en prendre soin », estime Jacques Daniel, qui a présenté ses découvertes aux archéologues. En vivant au-dessus de vestiges, « on ressent comme une épaisseur de l’histoire. C’est comme si on était reliés », ajoute-t-il.

Le passé n’a pas fini de se révéler

Avec le réaménagement prévu du centre-bourg, d’autres fouilles préventives seront bientôt effectuées dans le quartier. « Cela donnera sans doute lieu à des découvertes importantes », estime Jocelyn Martineau. Plus au sud de la commune, sur la ZAC de la Brosse qui accueillera le Marché d’intérêt national, l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) va mener des fouilles sur un site qui a connu des occupations au néolithique, à l’âge du bronze, et sur les périodes gauloise et romaine. Le lointain passé de Rezé et de ses habitants n’a donc pas fini de nous étonner !

De nouvelles règles pour les découvertes

Promulguée le 7 juillet 2016, la loi relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine modifie l’exercice archéologique. Les objets trouvés dans le sous-sol lors de fouilles préventives sont désormais la propriété de l’État. Jusqu’ici le propriétaire du terrain et l’État se les partageaient. Ces nouvelles règles visent une meilleure conservation du patrimoine et évitent la dispersion des collections archéologiques. Le Code du patrimoine (livre V, titre III) encadre la pratique archéologique en France, toute fouille doit être autorisée par l’État, toute découverte fortuite doit être déclarée en mairie. Les propriétaires ne peuvent fouiller leur terrain, c’est strictement interdit par la loi.