Trentemoult, invité de la mi-carême de Nantes
(mars 2019)

Pendant une douzaine d’années, peu après la guerre, André Soulas, sa famille et ses amis ont paradé à la mi-carême de Nantes. Sur des chars et dans des costumes « made in Trentemoult ».

Interrompues par la Seconde Guerre mondiale, les festivités du carnaval (on dit alors « mi-carême ») renaissent en 1947 à Nantes… et à Trentemoult, sous l’impulsion d’André Soulas. Serrurier-ferronnier de son état, mais surtout vice-président du comité des fêtes, il entraîne famille, amis et voisins pour construire un char et confectionner des costumes. Ce sera « L’écrin à bijoux », boîte géante où sont installées les reines du jour. En route pour un tour du quartier, le char tiré par un cheval suivi par une foule en liesse. Départ place Levoyer, direction la mairie où le maire accueille et félicite les carnavaliers.

Le char prend la Loire

1953, Les équipages de la flotte de Trentemoult devant le château des Ducs.

Pas question d’arrêter après une telle réussite. La mi-carême trentemousine s’institutionnalise. Bientôt André Soulas prend contact avec Aimé Delrue, président du comité des fêtes de Nantes et organisateur de la manifestation nantaise. Ces deux-là  ne pouvaient que s’entendre… Ils deviennent amis et le char trentemousin fera désormais partie du défilé nantais. Ainsi, le parcours s’allonge pour atteindre la ville voisine, en traversant la Loire par le pont de chemin de fer, la plus proche liaison entre les rives du fleuve.

1952 La reine des neiges passe la Loire pour saluer les Nantais.

Et, chaque année, M. et Mme Soulas « montent » à Paris, où ils se régalent d’opérettes qui inspirent le thème de l’année : La reine des neiges en 1952 ; Violettes impériales en 1954 ; 20 000 lieues sous les mers en 1955 ; Les amants de Venise en 1956 ; Rose-Marie en 1957 ; Sissi impératrice en 1961… En 1953, une bande de musiciens du village crée « L’équipage de la flotte de Trentemoult », formation musicale surnommée « Plus forte qu’Aimé » en clin d’œil au président Delrue…

Le plus grand char de la mi-carême de Nantes

La préparation des festivités n’est pas une mince affaire : sitôt la fête terminée, on commence à penser à la suivante. André, son fils Michel et leurs amis bricolent un hangar amovible composé d’échafaudages et d’un toit de fortune, sous lequel ils s’affairent, chaque week-end, pendant neuf à dix mois, acharnés à la tâche, anxieux de terminer à temps. Le plateau construit par André Soulas est le plus grand de la mi-carême de Nantes : 12 mètres de long, quatre mètres de large. André est régulièrement sollicité pour fabriquer des plateaux pour les autres équipes.

1953, le char des Reinettes dans les rues de Nantes. André Soulas construit les plus grands chars du carnaval de Nantes.

Parallèlement, Marie, son épouse, qui a soigneusement observé les costumes des acteurs de l’opérette de l’année et s’est munie au passage de grandes quantités de tissus chez un grossiste parisien, entraîne toutes les petites mains  volontaires trentemousines dans la confection des dizaines de tenues chatoyantes nécessaires à la joyeuse bande qui accompagnera le char. Les roquios alors en circulation amènent aussi des Chantenaysiens qui viennent prêter main-forte. Il se murmure que la préparation du carnaval a noué quelques jolies idylles entre les rives…

Ainsi, chaque printemps, les Trentemousins se pressent pour découvrir le char fièrement présenté place Levoyer, jusqu’en 1961, année de la dernière participation trentemousine au carnaval nantais : les chars sont devenus trop volumineux pour emprunter le pont…

Entourée de ses dauphines, la Rezéenne Mireille Josephau, reine du carnaval 1958

Quelque trente années après la construction du dernier char trentemousin, le réalisateur Jean-Loup Hubert rend hommage aux carnavaliers trentemousins dans son film La Reine blanche. La trame même du film est née d’une anecdote réelle : en 1958, c’est une ravissante métisse habitant Norkiouse, Mireille Josephau, qui fut élue reine du carnaval lors d’une cérémonie qui se déroulait à l’Apollo…

Dans les années 1990, une autre joyeuse bande de Trentemousins, pour la plupart parents d’élèves de l’école, relance le carnaval dans le quartier. Par groupe, par rue, ont confectionne des chars proportionnés à la taille des ruelles… et des enfants qui sont les rois de la fête. Beaucoup moins imposants que leurs prédécesseurs, les véhicules sont pleins d’humour et de poésie. La parade réunit écoliers et habitants, tous déguisés selon le thème de l’année.

Depuis 2004, c’est désormais en mai, tous les deux ans, que Trentemoult s’amuse, avec les Fanfaronnades, festival de joyeuses fanfares qui maintient la tradition festive du village. Comme naguère, une foule de bénévoles s’active pour que chaque édition soit une réussite. Couleurs, musique, humour, convivialité de rigueur.