Le Chronobus desservira bientôt douze arrêts à Rezé. Clin d’œil de l’histoire, son tracé reprend en partie celui du tramway des années trente.
En septembre, la ligne de Chronobus C4 remplacera la ligne de bus 94 entre Grèneraie et les Sorinières. Elle desservira douze arrêts rezéens et offrira une qualité de service proche de celle du tramway ou du busway. Son tracé fait justement resurgir le souvenir de l’ancienne ligne de tramway qui traversa Rezé de 1930 à 1950. Partant de Trois-Moulins, cette ligne se dirigeait vers Pont-Rousseau puis poursuivait vers Nantes.
Sa création est déjà toute une histoire. Dès 1908, le conseil municipal de Rezé fait vœu de voir la ligne de tramway nantaise prolongée. Le projet met plus de vingt ans à aboutir ! Les obstacles sont d’abord techniques. Ainsi rue Félix-Faure, large de 7,13 m dans sa partie la plus étroite, tout se joua à 3 centimètres près. Le coût du projet retarda longtemps la construction de la ligne. En 1925, la mairie de Nantes décide de participer financièrement «dans le but de faciliter les relations avec Rezé et donner aux ouvriers et employés qui y habitent et qui travaillent à Nantes un moyen de transport rapide et économique». Il faut néanmoins encore cinq ans avant que le tramway ne circule pour la première fois, le 26 janvier 1930, de la rue Alsace-Lorraine aux Trois-Moulins.
Un «péril jaune» déficitaire
Née près du terminus de la rue Jules-Laisné, Anne Forgerit a pris le tramway de 1946 à 1950 pour se rendre en classe à Talensac. Elle n’a pas oublié les bancs de bois en face à face, les bruits de sonnette, les annonces comme «Tout est plein !», «Tout le monde sont montés !». Ni l’ambiance. «On se parlait davantage, on rencontrait les voisins. Les jeunes de la Joliverie chahutaient.»
Françoise Bouché elle, habitait avec ses parents rue Félix-Faure. «Le tramway était très fréquenté aux heures d’embauche et d’école. Également le jeudi pour aller en ville, dans les magasins avec les mamans», se rappelle-t-elle.
Mais le tramway jaune n’avait pas que des amis, d’où son sobriquet de «péril jaune». Charrettes, chevaux, cyclistes se prenaient les pneus dans les rails… Il y avait du danger et des encombrements, déjà ! Sans oublier «les chutes des gens qui montaient et descendaient en marche», relève Françoise Bouché.
Malgré son effervescence à certaines heures, il apparaît très vite que la ligne est déficitaire. La concurrence des autobus privés, plus confortables, est forte. Après avoir comblé les trous de la Compagnie des tramways, la Ville de Rezé décide de cesser les frais en 1950. Le tramway ne revient à Rezé qu’en 1992 sous la forme qu’on lui connait aujourd’hui, plus spacieux, plus sûr.
Les tramways à Nantes, une histoire agitée
En 1826, Stanislas Baudry invente à Nantes les omnibus, qui sont considérés comme les premiers transports en commun urbains. Toujours à la pointe, la Cité des Ducs remplace en 1879 la traction à cheval par les tramways à air comprimé de Louis Mekarski. Ceux-ci rencontrent un grand succès. Mais, le service et le matériel se dégradant, débute en 1913 l’électrification des lignes, achevée en 1919. Dans les années trente, le tramway transporte 27 millions de voyageurs par an sur 110 kilomètres de voies. En 1958, les autobus ont raison des trams. Après une âpre «bataille du rail», le tramway reconquiert Nantes en 1984.
À lire
Nantes et son tramway, par André Péron, éditions Ressac
Pont-Rousseau en Rezé, par Xavier Nérrière et Christophe Patillon, éditions du Centre d’histoire du travail
« L’histoire des transports à Nantes » – Les Annales de Nantes et du Pays Nantais / Revue de la société académique de Nantes et de la Loire-Atlantique
Rezé, histoire municipale de la Révolution à nos jours, par Yann Vince, éditions Hérault