« Trois-moulins », « Moulin-à-l’Huile », « Moulin-Guibreteau »… La toponymie rezéenne rappelle un passé pas si lointain où des ailes et des roues tournaient dans la commune.
Du Moyen Âge jusqu’au 19e siècle, les ailes de nombreux moulins, à vent surtout, animent le paysage rezéen. Le premier qui a laissé trace dans l’Histoire est évoqué dans un contrat datant de 1250. Les moulins de l’époque étaient quadrangulaires, en bois. En 1477, un document signale un « molin » de la Jaguère. Plusieurs moulins à eau, en bois, ont certainement existé sans laisser de traces. Deux d’entre eux, situés à la Jaguère près du manoir seigneurial de la Trocardière, sont mentionnés en 1675. Deux moulins sont établis en bord de Loire en 1437. D’autres sont édifiés sur les ponts, notamment celui « des Rousseaulx ».
Aux 17e et 18e siècles sont construits une trentaine de moulins à Rezé. Il s’agit de tours cylindriques à toit conique, équipées de quatre ailes voilées. Certains sont seigneuriaux et soumis à des taxes, les autres fournissent les boulangers nantais.
Une quinzaine de moulins au nord de la commune
Entre 16e et 19e siècle, les « moulins du bourg » (entre les rues Théodore-Brosseau, Georges-Boutin, Victor-Hugo et le vieux village de Mauperthuis) prennent le vent : moulin de la Tour, de la Grande-Bourderie, de la Rivière, de la Bourderie, moulin Blanc, Grand Moulin.
Entre les actuelles rues Victor-Hugo et Émile-Zola sont regroupés les « moulins du Grand-Clos » : moulin du Clos-Bossé, des Mahaudières, du Chêne. Pas moins de quatre moulins sont situés de part et d’autre du chemin devenu rue Henri-Barbusse ; deux autres, dits « du Petit-Grand-Clos », démolis en 1884, tournaient depuis 1660.
Entre Pont-Rousseau et Blordière, on mouline aussi !
À Pont-Rousseau, le moulin du Pront se dresse en haut de l’ancien village du Puits-Baron (rue Joseph-Turbel) dès le 17e siècle. Il sera réformé en 1854 par son nouveau propriétaire, Jean Sauvestre, père d’Ernest, futur maire de Rezé.
En bordure de « l’ancien grand chemin de la Rochelle » (rue Jean-Fraix), le moulin de la Salle existe dès 1557 et disparaît du cadastre entre 1850 et 1891. Un peu plus haut, le moulin de la Saunerie est cité en 1660 dans un acte notarié. Il existe toujours, mais a perdu ses ailes qui tournaient encore en 1856. À l’angle des actuelles rues Jean-Fraix et Julien-Douillard se trouve le moulin de la Fraisinière (ou Fradinière).
Dans le quartier Saint-Paul, en haut et à gauche de la rue Jean-Jaurès, le moulin du Petit-Quartier, cité en 1826, est démoli en 1864. Un peu plus bas, en face, le moulin des Milsandières est là en 1826 mais plus en 1858.
Aux « Trois-moulins » – ancien village de Basse-Lande –, ce sont en fait pas moins de sept moulins qui existent au 18e siècle : celui « sis sur la terres de Petits-Écobuts », disparu vers la Révolution ; celui des Pelouailles, dont les vestiges sont transformés en bâtiment rural en 1896 ; celui de la Basse-Lande, à l’angle de l’actuelle rue des Naudières, disparu avant 1882 ; celui du Bout-des-Pavés et celui des Gâts, également disparus ; celui de l’Esnaudière se trouvait là où aujourd’hui la rue des Déportés rejoint la rue Leclerc ; l’autre moulin des Gâts (ou de la Houssais) est le seul toujours debout, au fond d’un chemin, rue Leclerc. Le quartier a pris son nom sous le Second Empire, époque où, effectivement, trois moulins étaient toujours en activité.
Au sud, les moulins « ruraux »
Les autres moulins rezéens, dit « ruraux », étaient implantés au sud : le moulin des Barres est à l’angle de la rue et du chemin portant son nom ; celui de la Lande (ou du Châtelier) a disparu au début du 20e siècle ; celui de la Bauche (en bordure de l’actuelle rue de la Brosse), transformé en 1890 en « tuerie d’animaux », a disparu en même temps que l’abattage privé.
Au 19e siècle, deux moulins sont encore construits : celui de Praud, démoli, reconstruit, a disparu avant 1923 ; enfin, en 1835, le moulin à l’huile est édifié au lieu-dit Le Moulin-Cassé, peut-être sur les vestiges de l’ancien moulin de la Jaguère. Original par sa forme tronçonnique, il écrase des graines oléagineuses, d’où son nom. Ses vestiges sont encore visibles à l’angle des actuelles rues du Moulin-à-l’Huile et de la Chesnaie.
Entre 19e et 20e siècle, le déclin et la disparition
Pendant la Révolution, les moulins souffrent des affrontements entre Vendéens et Républicains : ceux de Pront, de la Fraisinière, du Clos-Bossé sont incendiés, et c’est vraisemblablement aussi le cas des moulins de Praud et des Écobuts. Certains meuniers ont été tués. De plus, les lois révolutionnaires ont permis à des meuniers d’acquérir leur outil de travail. Mais, ensuite, certains aristocrates récupèrent leurs biens confisqués et transforment les moulins, comme ceux de Pront et de la Bourderie, pour d’autres usages.
Après la Révolution, les minoteries remplacent peu à peu les moulins. En 1851, il en reste quinze, exploités par seize familles de meuniers. Sous le Second Empire, les moulins inexploités sont frappés d’impôt ; leurs propriétaires préfèrent les amputer de leurs ailes, voire les démolir (onze sont détruits entre 1851 et 1868). D’autres moulins laissent place à la nouvelle voirie ou, pour quatre d’entre eux, à la voie ferrée.
À la fin du 19e siècle, la meunerie a presque complètement disparu à Rezé. Il ne reste plus que quatre témoins (moulins de Pront, de la Saunerie, des Gâts, des Barres), avec le plus récent moulin à l’huile, pour témoigner d’une activité qui fut florissante.