Rezé dans la Grande Guerre
(novembre 2014)

Rezé a perdu environ 300 hommes sur les champs de bataille. Désorganisée par la mobilisation, la ville a accueilli des centaines de soldats et de réfugiés pendant le conflit.

Rue François-Marchais et rue Jean-Baptiste-Hamon dans le quartier du bourg ; rues Raymond-Soulas et Henri-Briand à Trentemoult ; rue Aristide-Nogues et rue Émile-Blandin à La Blordière… Une cinquantaine de plaques portent le nom et la mémoire de Rezéens morts au combat lors de la guerre 14-18. Mais combien sont-ils réellement à avoir perdu la vie lors de la Grande Guerre ?

C’est à cette question qu’ont voulu répondre les Amis de Rezé. Quatre membres de l’association épluchent depuis plusieurs mois de multiples sources pour les mettre en relation ou en contradiction. Ce travail de fourmi va donner lieu à des publications dans le cadre du centenaire du conflit. Philippe Michel, des Amis de Rezé, en livre les premiers éléments : « On a recensé 387 soldats décédés. 289 dont on est sûr qu’ils sont Rezéens, 62 avec des interrogations sur lesquelles on travaille encore. 36 ont été écartés car ils n’étaient ni originaires de Rezé ni résidents au moment du conflit. »

1916. Le Rezéen Jean Louis (deuxième en partant de la droite) vient de fêter avec ses camarades leur sortie des tranchées. Ils vont continuer la guerre à l’arrière de la ligne de front. Jean Louis mourra en 1918.

Désorganisation économique

Entraînement de Rezéens au bord du Seil

Le tribut payé par la ville, qui compte plus de 9 000 habitants en 1914, est énorme. Et les traces ineffaçables. Des courriers récemment parvenus aux Amis de Rezé témoignent de l’enfer vécu par les soldats. Ainsi Gustave Rouxel, du Bas-Landreau, qui passera quatre ans et demi au front, décrit dans ses cartes à sa famille les terribles dégâts des bombardements sur Arras et sa région. Dans l’une d’elles, il demande à son fils Yvon de garder ces cartes comme le « souvenir d’une bien terrible guerre ».

À Rezé, c’est une autre forme de désorganisation qui sévit. La correspondance du maire, Jean-Baptiste Vigier, et les délibérations du conseil municipal en apportent de multiples illustrations. La mobilisation de centaines d’hommes se fait cruellement sentir.

La ville manque de boulangers, d’agriculteurs, de sabotiers et le maire reçoit de nombreuses demandes de sursis pour retenir ces hommes. Les femmes prennent courageusement le relais. Comme Marguerite Cottier, dont les Amis de Rezé publient la correspondance avec son mari Julien, parti au front. S’il gère à distance son commerce de charbon, c’est elle qui prend la charrette pour aller chercher la marchandise à Châteaubriant et la vendre dans le pays de Retz !

Une évasion réussie

Une trentaine de Rezéens sont prisonniers en Allemagne fin 1915. Parmi eux, Paul Briand, de Trentemoult, qui raconte dans ses écrits le terrible sort fait aux prisonniers, soumis à la faim, au froid et aux mauvais traitements. Il s’évade au printemps 1916 et rejoint les Pays-Bas après trois semaines de marche. Son récit témoigne de son courage et de son sang-froid.

Réfugiés et solidarité

La ville perd une partie de sa population mais en accueille de nouvelles. Elle fait face au cantonnement de troupes, qui provoquent quelques désordres. Sur la fin de l’année 1914, pas moins de 410 soldats sont à Rezé et occupent les quatre écoles publiques. La classe se déroule du coup dans les appartements des institutrices !

Dès août 1914, des réfugiés, venus surtout du nord de la France et de Belgique, affluent sur le département. La municipalité organise leur accueil et fait appel à la solidarité des Rezéens. Des registres dressent la liste d’habitants se proposant pour héberger une famille, un enfant, offrir du travail. Avec parfois des exigences. Une certaine Madame Trochon se dit prête à recevoir « quatre femmes, convenables autant que possible » ! Nombre de ces réfugiés resteront jusqu’en 1920. Ils sont frappés comme les Rezéens, surtout les veuves et les femmes seules, par la misère et les pénuries. En dépit des difficultés financières, la mairie tente de venir en aide à la population, relayée par des comités de secours, qui se créent dès 1914. Sans certainement imaginer que la guerre allait durer quatre longues années.

François Artaud, héros malgré lui

Né en 1880 au village de la Chaussée, François Artaud reçoit la Croix de guerre en novembre 1916 pour avoir aidé des camarades sous les tirs ennemis. Une décoration dont ce pacifiste n’a que faire. Dans ses courriers à sa femme, il vilipende les chefs militaires, une « bande d’assassins » responsable d’une « boucherie (…) sans fin ».