La campagne de fouilles archéologique a battu son plein en mai et juin. Les archéologues ont creusé et trouvé. C’est toute l’histoire du port de Ratiatum qui remonte à la surface et capte les intérêts des chercheurs de France et d’Europe.
Jimmy Mouchard, archéologue et maître de conférences à l’université de Nantes, et David Guitton, archéologue et céramologue à l’Inrap (Institut national de la recherche archéologique préventive), sont formels : « Le site Saint-Lupien est exceptionnel ». Tous deux assurent la direction de la campagne de fouilles 2014 sur les aménagements de berge financée par l’Etat, la Région, le Département et la Ville.
« Ratiatum suscite un intérêt national voire européen. »
On compare son quai monumental, découvert en 2011, à ceux de Londres ou de Xanten en Allemagne. Et pour avoir mené d’autres chantiers archéologiques sur d’autres sites français, Jimmy Mouchard renchérit : « L’architecte qui a conçu cette ouvrage était un très très bon. Le top ! »
D’un point de vue architectural, l’importance et la complexité des ouvrages datés du 1er siècle au 2e siècle mis au jour sur le site de Saint-Lupien incitent les chercheurs à penser que « Ratiatum a bénéficié d’un schéma d’urbanisation concerté, d’un financement et d’une volonté politique forte pour permettre son développement ». La méthode employée par les édiles d’aujourd’hui a donc déjà fait ses preuves voilà deux mille ans. Peut-être était-il déjà question de jeu, sinon à la nantaise, du moins à la gallo-romaine !
Site portuaire très bien conservé
En quoi le site est-il remarquable ? « Il l’est car c’est le seul site archéologique de la façade atlantique à présenter un port avec ses trois entités : un espace navigable, des aménagements de la berge avec ce quai qui s’étire probablement sur plus d’1,5km, au-delà de la Jaguère, ainsi que des entrepôts de stockage et des boutiques et ateliers de vente des marchandises », ajoute Ophélie de Peretti, archéologue municipale. « C’est le seul site de l’arc atlantique qui soit aussi complet et dans un aussi bel état de conservation », complète l’archéologue David Guitton.
- 1860
- Découverte de ruines gallo-romaines
- 1950
- Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, des archéologues amateurs et bénévoles dessinent la première cartographie de Ratiatum
- 1982
- L’État débute un chantier de fouilles programmées. Les élus rezéens soutiennent la recherche archéologique
- 2004
- La Ville de Rezé crée un poste d’archéologue municipale
- 2005
- Depuis 2005, une équipe de recherche, coordonnée par la Ville de Rezé et l’Université de Nantes, mène des campagnes de fouilles archéologiques sur le site de Saint-Lupien. Financement Etat, Région, Département, Ville.
- 2011
- Découverte majeure du quai monumental construit au 1er siècle de notre ère
Un quai en bois de 2000 ans
Ce quai monumental, réalisé avec des chênes centenaires issus de forêts environnantes gérées par les Gaulois et exploitées ensuite par les romains, fait l’objet de toutes les attentions afin que les bois conservent leur santé deux fois millénaire. Certaines poutres font jusqu’à 14m et 75cm de large. Alors, oui, il faut les recouvrir de serpillères puis les arroser toutes les heures avant de les recouvrir d’une bâche en géotextile. Pour éviter que ce chef-d’œuvre ne soit en péril.
Les experts Ratiatum
Les téléphiles connaissent la série Les experts Manhattan. Ici, il s’agit des experts Ratiatum. Cette année encore, ils y accourent tous : 40 étudiants en archéologie de Nantes, Strasbourg, Paris, Poitiers ; 30 experts aux noms savants venus de toute la France : les dendrochronologues qui datent l’âge du bois, les archéozoologues qui détricotent la relation entre l’homme et l’animal, les entomologues qui cherchent le vieil insecte, le géomorphologue qui analyse la dynamique du fleuve pendant la période antique, les céramologues… C’est le cas de David Guitton qui, depuis 2005, a collecté sur le site de Saint-Lupien 150 000 tessons de céramique qu’il soumet à son expertise d’archéologue céramologue…