Pirotterie : un peu, beaucoup… pas du tout ?
(janvier 2016)

Un livre d’enquête revient sur l’histoire de ce lotissement expérimental, aux architectures contemporaines et variées. Il retrace de quelle façon les locataires se sont appropriés leur logement, une fois éteintes les réactions, parfois vives, sur l’apparence des maisons.

Livré en 2005, le lotissement des Jardins de la Pirotterie a fêté ses dix ans l’an dernier. Loin, bien loin de l’agitation médiatique qui l’avait vu naître. Pour l’architecte Sabine Guth et le sociologue François-Xavier Trivière, auteurs d’un livre fouillé sur le sujet*, « l’opération est l’une des expérimentations majeures réalisées dans le domaine du logement en France depuis les années 1990 ». Le point de départ en est la publication en 1997 par le collectif Périphériques d’un catalogue de maisons d’architectes.

L’initiative avait suscité l’intérêt de la Ville, qui cherchait à transformer au sud de la commune 18 hectares de friches maraîchères en un nouveau quartier à dominante pavillonnaire. Un aménageur, Terre Océane, et un maître d’ouvrage, le bailleur social Atlantique Habitations, se sont associés à cette première tranche de la Pirotterie. Trente maisons de six architectures distinctes et d’un coût de 100 000 euros ont été livrées entre janvier et avril 2005 pour du logement locatif social. Dans un environnement naturel préservé, elles attiraient l’œil par leur forme, leur couleur, l’utilisation encore peu courante des matériaux bois et métal. Cette nouveauté et cette diversité ont été accueillies à l’époque avec curiosité, parfois rejetées. Qu’en est-il dix ans après ? Différents témoignages nous éclairent sur l’appropriation des maisons par leurs habitants et l’intégration du lotissement dans la ville.

* Lotissement avec architectes. Les Jardins de la Pirotterie, Creaphis Editions. Textes de Sabine Guth et François-Xavier Trivière. Photographies de Mark Lyon

Le regard du sociologue

François-Xavier Trivière, coauteur du livre Lotissement avec architectes

Les enfants se sont approprié les maisons

François-Xavier Trivière

« Cette opération a été très médiatisée, ce qui l’a desservie. Les habitants étaient au milieu de cette agitation médiatique, ce n’était pas facile à vivre. Le lotissement fini et habité, nous avons voulu voir comment ça fonctionnait, comment les habitants vivaient leur maison. Dans beaucoup de familles, les enfants se sont d’abord approprié la maison et ont appris à leurs parents à l’aimer. Au final, les locataires, qui n’appréciaient guère l’apparence de ces maisons loin des formes traditionnelles, la trouvent à leur goût désormais. »

Le regard de l’architecte

Sabine Guth, coauteur du livre Lotissement avec architectes

 Une qualité urbaine inédite dans les lotissements

« Le collectif Périphériques voulait montrer que la maison individuelle est aussi un objet d’architecture, que l’on peut sortir des modèles préétablis. L’opération a pu être perçue de façon négative par des propriétaires riverains, des curieux, des médias…. Pour ma part, j’ai été agréablement surprise par le souci de qualité urbaine inédite dans le lotissement. Contrairement à un lotissement classique, ici à la Pirotterie, il y a un vrai jeu sur la diversité des formes, des matériaux. »

Sabine Guth et Mark Lyon

Le regard du photographe

Mark Lyon, photographe du livre « Lotissement avec architectes »

Un festin visuel

 « J’ai travaillé sur les quatre saisons, photographié les surfaces à travers plusieurs lumières. C’était un festin visuel. J’aimerais voir plus de projets comme ça en France. »

Le regard de l’élu

Yann Vince, adjoint en charge de la construction, de l’architecture et de l’environnement

 Du logement social de qualité

Yann Vince

« Cette opération est née d’une corrélation entre un projet d’architectes et une volonté municipale d’aménager ce secteur avec une démarche développement durable, qui intègre la dimension paysagère. Elle a permis à la Ville de travailler le rattrapage en matière de construction de logements sociaux et de démontrer que l’on pouvait faire du logement social de qualité. Par tous ces aspects, elle a constitué un point d’appui sur ce qu’on a pu imaginer par la suite. »

Le regard des habitants

Nicole Bury, locataire

C’est entré dans les normes

Nicole Bury

« Au départ on était tout seuls, il n’y avait que des champs en face. Je me cachais pour me mettre à l’abri des regards des curieux, le lotissement était un lieu de promenade. Je l’ai mal vécu. Avec le temps c’est entré dans les normes. Le jardin est très agréable, bien orienté. Cette luminosité m’a plu tout de suite. Et la nature est respectée, on a un magnifique bois derrière, des sentiers pédestres. »

Amélie et Cyrille Lorand, locataires

On est bien dedans

Amélie et Cyrille Lorand

« Quand on a vu la maison, on a vu un hangar, c’était notre première impression, la couleur verte, la masse, rien autour… On a entendu au début des réflexions pas sympas sur les maisons alors qu’on est bien dedans. On n’en partirait pas. Tout est bien aménagé, on apprécie le calme, le voisinage. On n’est pas les uns sur les autres, on s’entend tous bien. Les enfants grandissent ensemble, ils peuvent jouer dans un petit parc éloigné de la route. »

Le regard du bailleur

Jean-Marie Baguet, directeur général d’Atlantique Habitations, et Béatrice Girard, ancienne directrice de l’agence Sud & Sèvre

 Quelque chose d’inédit et d’utile dans le temps 

Jean-Marie Baquet et Béatrice Girard

« Comme c’était un concept très particulier, toutes les personnes ont visité la maison avant l’attribution. Sur trente maisons, après dix ans, vingt-et-une familles du départ sont encore là ! L’idée était de faire de la maison ossature bois de qualité à 100 000 €. Le bailleur social est obligé d’avoir un peu d’avance, il n’hésite pas à prendre ce type de risques. On a fait quelque chose d’inédit et d’utile dans le temps. »