Une nouvelle page se tourne pour l’îlot Confluent. Bientôt, des immeubles sortiront de terre au pied desquels ouvriront des commerces. Il y a 60 ans déjà, une station-service puis un grand magasin et un négociant en textile se sont succédé. Souvenirs.
La station-service ouvre en 1952…
L’avenue de la Libération vient d’ouvrir à la circulation après dix années de travaux et le recours à des tonnes de remblai. La station-service d’André et Maria Aubin est le premier commerce à s’y installer. Sous contrat avec la compagnie Shell, la station doit être ouverte sept jours sur sept, 24h/24. Six pompes, un garage pour assurer l’entretien des voitures… « On nettoie aussi les pare-brises et on contrôle la pression des pneus. Il n’y a qu’une autre station-service qui offre cette qualité de service, elle est à Nantes », se souvient Maria Aubin, 101 ans. Autant dire que celle de Rezé, située en bordure de route (direction la côte et Bordeaux) ne désemplit pas.
L’entreprise est familiale : les deux enfants du couple prêtent main forte à leurs parents et tout le monde vit à l’étage. On compte également quatre employés. On sert les clients en blouse blanche. À la pompe, le prix du litre d’essence s’affiche à 0,50 centimes (en ancien franc, soit 0,6 euros). « On a travaillé dur, jour et nuit. On ne prenait jamais de vacances. » Parmi les clients fidèles, des voisins : « le Père Grandjouan» en charge de la répurgation de la Ville de Nantes, « qui venait en Cadillac, un chapeau de cow-boy vissé sur la tête » ; la famille Bernard qui dirigeait la savonnerie voisine, les conducteurs de camions des abattoirs situés non loin de là, le long de la Nationale 23 … La station ferme en 1973. Le bâtiment est démoli à la fin des années 80.

Prisunic en 1965
Lors de l’inauguration de ce grand magasin, plusieurs milliers de personnes se pressent au cocktail. Dans la presse, on peut alors lire : « Les Supermarchés de l’Atlantique ont choisi d’implanter un Prisunic à Rezé parce que le sud de la Loire est un centre très intéressant au point de vue commercial ; c’est une zone où l’habitat est en plein développement et dont les habitants ont de plus en plus de peine à se rendre à Nantes (…) Le passage des ponts devient presque à toute heure une épreuve de patience (…)».
C’est le plus grand magasin de la ville ; le plus moderne aussi avec 80 places de stationnement, un arrêt d’autobus et un poste d’essence. D’une surface couverte de 1 200 m², il emploie une soixantaine de personnes. On y trouve de tout : boucherie, charcuterie, crèmerie, confection homme-femme-enfant, accessoires de mode…

Suzanne Legaud tient le rayon ameublement. En blouse bleue, avec le badge numéro 45, elle vend essentiellement des rideaux « pour les nouveaux logements du quartier du Château », des tissus, des toiles cirées. Elle se souvient : « L’ambiance était à la franche camaraderie. On faisait très souvent la grève pour obtenir des primes : pour Noël, surcroît de travail… avec succès. Le samedi, le magasin était noir de monde. Il fallait voir les recettes qu’on faisait. » En 1972, le magasin passe au libre-service intégral. En parallèle, un concurrent – Leclerc – ouvre non loin de là… C’est le déclin. Le rideau tombe fin 1974.
1976, en Rêv’Orient
Deux ans après la fermeture de Prisunic, Claude Demarque prend possession des lieux. Grossiste en textile, il est spécialisé dans la toile, le linge de maison et surtout les tapis. Il emploie une vingtaine de salariés. « À l’étroit dans son magasin nantais, l’entreprise Demarque a choisi cette nouvelle implantation, qui, en lui offrant une plus grande surface d’entrepôts, présente aussi de meilleures possibilités d’accès pour sa clientèle de revendeurs, commerçants et marchands forains », lit-on dans le journal Ouest-France. Claude Demarque part régulièrement sélectionner ses tapis « en Chine, en Inde, en Turquie, au Pakistan, en Iran… », se souvient-il. Puis, il se fait livrer « par camion ou par bateau ». Rêv’Orient ferme en 2002.

Bientôt un programme de 300 logements
Depuis un an, l’îlot Confluent – que beaucoup de Rezéens continuent à appeler friche Rêv’Orient – vit au rythme des travaux de dépollution. Ils sont obligatoires car ce site était autrefois une prairie qui a été remblayée avec du sable contenant de l’arsenic. Les travaux se poursuivront en 2013. Puis, démarrera une première phase de construction de neuf immeubles, soit environ 300 logements. Des commerces sont prévus en rez-de-chaussée. Le cadre comprendra un espace vert central vallonné ainsi que des terrasses végétalisées.