L’histoire ouvrière et sociale préservée sur l’île de Nantes (septembre 2023)

Voisins et complémentaires, le Centre d’histoire du travail et la Maison des hommes et des techniques préservent et font découvrir l’histoire du monde du travail.

Sur l’île de Nantes, au cœur des défunts chantiers navals, le rez-de-chaussée de l’immeuble qui abritait les bureaux de la société Dubigeon est aujourd’hui le refuge de la mémoire ouvrière et sociale de la région.

Le patrimoine ouvrier et paysan

À gauche en entrant dans le bâtiment, le Centre d’histoire du travail (CHT) fut initié, en 1980, « par des professeurs de l’université et des syndicalistes », rappelle Christophe Patillon, l’un des trois salariés. L’association, alors installée dans la bourse du travail, rue Désiré Colombe, reçoit rapidement le soutien des organisations syndicales et d’une quinzaine de municipalités du département, dont Rezé. Son but: faire vivre le patrimoine ouvrier et paysan du département. « L’unité syndicale qui a perduré pendant des décennies entre ces deux mondes en Loire-Atlantique est une particularité locale, un socle sur lequel le CHT s’est bâti. »

L’histoire sociale en partage

Le centre constitue une bibliothèque spécialisée en histoire sociale, collecte des fonds patrimoniaux (250 fonds réunis à ce jour) et, presque immédiatement, se lance dans la promotion de l’histoire sociale en réalisant des expositions. À la fin des années 1980, le CHT devient aussi maison d’édition en publiant un premier livre, Le Camp Blanchard, un ancien camp de prisonniers de guerre transformé en cité ouvrière au début des années 1920.

Aujourd’hui, le catalogue compte une bonne quarantaine d’ouvrages, dont un consacré à l’histoire de Pont-Rousseau. Paraîtra bientôt : Dockers, une histoire nantaise. Travailler et lutter sur les quais (16e -20e siècles).

Bernard Fillonneau, président du Centre d’histoire du travail, et Christophe Patillon, salarié du CHT.

TROIS KILOMÈTRES D’ARCHIVES

Déménagé en 1993 sur l’île de Nantes, le CHT est aujourd’hui riche de trois kilomètres linéaires d’archives dans lesquels étudiants, enseignants, chercheurs et simples curieux, venus de toute la France et de l’étranger, peuvent puiser. Cette mine intègre les archives départementales ouvrières et paysannes, mais aussi des archives nationales comme celles du PSU (parti socialiste unifié) ou des organisations ayant précédé la Confédération paysanne actuelle… Entre autres trésors.

Les trois salariés du centre sont là pour guider les visiteurs dans les méandres de cette mémoire : « Nous connaissons les acteurs du sujet, les chercheurs… ce qui nous permet d’orienter éventuellement les recherches vers d’autres structures. » La bibliothèque contient des milliers de livres consultables sur place ou à emprunter gratuitement. Depuis 2018, le CHT propose aussi aux scolaires des ateliers pédagogiques de découverte leur permettant de découvrir la condition ouvrière d’antan à partir des archives conservées (textes et photographies).

LE PATRIMOINE INDUSTRIEL, FLUVIAL ET MARITIME

Voisine, à droite dans le bâtiment, la Maison des hommes et des techniques (MHT) est issue de l’association Histoire de la construction navale à Nantes, créée en 1986 par des travailleurs des chantiers navals, alors que se profilait la fermeture des chantiers – intervenue en 1987. Ils ont commencé par s’interposer devant les tractopelles : « C’est grâce à eux que le site existe encore. Aujourd’hui emblématique, la grue jaune était alors destinée à la ferraille ! Les salariés licenciés, qui refusaient que soit fait table rase de leur histoire, de leurs savoir-faire et de leurs traditions, ont aussi récupéré in extremis des outils et des archives voués à disparaître, raconte Bernard Fillonneau, actuel président. À son arrivée à la mairie en 1989, Jean-Marc Ayrault a gelé le projet, ce qui a permis de préserver le bâtiment et d’engager une réflexion sur le devenir du site. » Ainsi naît en 1994 la MHT, avec pour objectif de valoriser la mémoire du passé industriel et ouvrier de Nantes et de sa région, ainsi que le patrimoine maritime et fluvial. Son activité commence par la collecte, l’inventaire, le classement et la préservation des documents et matériels des chantiers Dubigeon. Une partie de ce précieux patrimoine est présentée dans la remarquable exposition permanente « Bâtisseurs de navires ».

EXPOSITIONS TEMPORAIRES ET LIVRES

Plus largement, la MHT s’intéresse au monde du travail, aux métiers, aux organisations ouvrières, aux mouvements sociaux et aux loisirs ouvriers et populaires, mis en avant dans des expositions temporaires. Actuellement, « Nantes, ville industrielle, hier, aujourd’hui, demain » met l’accent sur l’importance de l’industrie dans l’agglomération. La MHT a aussi publié cinq ouvrages, dont deux coédités par le CHT voisin.

30 000 VISITEURS PAR AN

Tout au long de l’année, les salariés et bénévoles de l’association accueillent quelque 30 000 personnes : groupes de scolaires et étudiants, d’associations et d’entreprises, ainsi que des visiteurs individuels. Elle propose, avec différents partenaires, des parcours pédagogiques dont les travaux sont présentés au public. La Maison des hommes et des techniques organise aussi des conférences, des spectacles et des rencontres. « Nous participons aux événements tels que les Journées du patrimoine et travaillons régulièrement avec des écoles. Nous avons en projet la création d’une « ligne bleue » menant du hangar 32 au bâtiment en expliquant les cales, la grue…, préfigurée en juin dernier par une balade visuelle et sonore sur le site. »

La MHT est soutenue financièrement par la Région, le Département et la Métropole, ainsi que par les Villes de Couëron, Nantes, Rezé et Saint-Jean-de-Boiseau.

INFOS – Bâtiment Ateliers et chantiers de Nantes, 2bis, boulevard Léon-Bureau, Nantes
• Centre d’histoire du travail : 02 40 08 22 04 – contact@cht-nantes.org – ouvert du mardi au vendredi de 9h à 12h30 et de 14h à 17h.
• Maison des hommes et des techniques : 02 40 08 20 22 – contact@mht-nantes.fr – visites libres et gratuites du lundi au vendredi de 10h à 13h et de 14h à 18h, pendant les week-ends, jours fériés et ponts, et pendant les vacances scolaires de 14h à 18h. Visites commentées pour groupes sur rendez-vous