Depuis cinquante ans, les Services régionaux itinérants maintiennent à Rezé une tradition d’accueil et d’accompagnement des itinérants, dits « gens du voyage », initiée par un frère enseignant, Étienne Pierre, dans les années 1970.
Samedi 19 octobre, l’association Services régionaux itinérants (SRI) fête ses 50 ans, en référence à une date officielle, celle du dépôt des statuts de la structure en 1974. Mais c’est dès 1968-1969 que son fondateur, Étienne Pierre, Rezéen, instituteur des écoles chrétiennes, commence à circuler en camionnette pour faire classe dans les lieux de vie des gens du voyage : « Certains enfants n’allaient pas du tout à l’école, pour diverses raisons, parfois simplement parce que l’école ne voulait pas d’eux, raconte René Butaud, membre et ancien président de l’association. Étienne Pierre allait chez eux leur apprendre à lire et à écrire. Il a même conçu une méthode de lecture, la méthode Kiko, toujours utilisée, qui, aujourd’hui, sert pour les migrants. »
À partir des années 1980, l’association se structure
Au fil du temps, l’association se développe et se structure. En 1980, elle adhère au réseau Unisat (Union nationale pour l’action auprès des gens du voyage), devenue, en 2004, Fnasat (Fédération nationale des association s solidaires d’action avec les Tsiganes et les gens du voyage). René Butaud découvre les SRI au début des années 1990 : « Quand j’ai pris ma retraite, j’ai eu envie de mettre mes compétences au service des autres. France Bénévolat m’a donné l’adresse de “Monsieur Pierre” qui m’a dit : « Vous êtes l’homme qu’il nous faut. » Je me suis retrouvé très vite président. Nous avons obtenu en 1994 l’agrément pour la domiciliation des gens du voyage, que nous assurions de manière non-officielle : Monsieur Pierre prêtait sa boîte aux lettres ! En 1998, nous avons pu embaucher une salariée « emploi-jeunes » pour assurer l’accueil du public et la coordination des bénévoles. Nous avons aussi structuré le conseil d’administration, qui comporte toujours au moins un voyageur. »
Des ateliers pour adultes
En 2000, le Conseil départemental finance une nouveauté : l’atelier de mobilisation des savoirs de base, qui s’adresse aux adultes. Il part d’un besoin ou d’une envie (par exemple passer le permis de conduire) pour organiser les cours et ateliers nécessaires, dans les locaux de l’association. Ils sont alors place Pierre-Sémard, dans l’appartement que « Monsieur Pierre », décédé en 2009, a légué à l’association. Les enfants, eux, reçoivent toujours un soutien scolaire dans les lieux de stationnement des caravanes. « Aujourd’hui, la majorité d’entre eux fréquentent l’école primaire. C’est une belle évolution. Nous travaillons en relation avec les enseignants et directeurs d’école. Le passage au collège reste compliqué, impossible de changer d’établissement tous les mois. »
Huit salariées, une cinquantaine de bénévoles
À la fi n du dispositif « emplois-jeunes », l’association obtient des financements pour maintenir le poste d’accueil et coordination. « Étienne Pierre ne voulait pas demander de subventions, “pour rester libre”. Mais la participation des collectivités nous permet de travailler plus et mieux. » Avec l’aide de la CAF, du Département, de l’État et de la Ville de Rezé, et ses fonds propres issus des adhésions, l’association a pu embaucher plusieurs salariées (elles sont huit actuellement). Une cinquantaine de bénévoles (soit 2,5 équivalents temps plein) s’occupent du courrier, du soutien scolaire sur les terrains,
des cours pour les adultes… : « Cela permet à beaucoup de personnes de mieux connaître les gens du voyage et, ainsi, de faire tomber les préjugés pour mieux lutter contre les discriminations. »
Fusion et déménagement
En 2007, les SRI ont repris une partie des activités de l’association départementale des itinérants (ADI), basée à Vallet, qui aidait depuis 1996 les itinérants à créer et faire fonctionner leurs microentreprise,
statut permettant de légaliser leur activité. Trois salariées de l’ADI intègrent les SRI qui ajoutent à leurs activités l’insertion et l’accompagnement des activités professionnelles. Agréée « espace de vie sociale » en 2016, puis centre social en 2021, l’association quitte ses locaux de la place Sémard en 2017 pour s’installer dans la maison mise à disposition par la Ville, sous contrat de bail précaire, rue Aristide-Briand. L’ancien garage est récemment devenu une belle salle de cours et réunions : « Nous tenions à rester à Rezé, car cette ville a un lien particulier avec les voyageurs qui viennent de longue date faire des saisons de maraîchage alentour. »
Elle raconte
Entre sédentaires et voyageurs, il y a beaucoup de préjugés, de part et d’autre
« Quand il y a besoin de moi, j’arrive ! L’association fait le lien entre sédentaires et voyageurs. L’école sur les terrains a fait évoluer les mentalités, les voyageurs sont moins méfiants envers l’institution. Un de mes petits-fils a même obtenu un diplôme. Les sédentaires ignorent souvent que nous sommes bien français, depuis des siècles ! Mes grands-parents ont fait la guerre de 1914, et mes parents sont de la génération qui a été internée dans des camps pendant la Seconde Guerre mondiale, avec la complicité de l’État français, ce qui n’a été reconnu qu’en 2016 ! Nous restons toujours en famille. Les enfants suivent les parents, maintenant c’est moi qui voyage avec mes enfants… »
Joëlle Norguet, voyageuse, est membre du conseil d’administration des SRI.