Les abattoirs : de l’essor au déclin
(décembre 2013)

Créés à Talensac, les abattoirs de la Ville de Nantes se sont implantés à Rezé en 1933. D’abord à Pont-Rousseau, puis sur la route de Pornic, où ils fermèrent définitivement leurs portes en 1995.

Les premiers abattoirs de la Ville de Nantes s’installent à Talensac en 1829. L’urbanisation du quartier et les nuisances générées posent assez vite la question de leur transfert en dehors de la ville. Un premier projet est présenté à la mairie de Rezé en 1879 ; il n’aboutit pas. Un second pousse les élus nantais et rezéens à constituer en 1919 un syndicat intercommunal pour la construction et le fonctionnement d’un outil commun sur Pont-Rousseau. Mais des divergences opposent la Ville de Nantes, qui tient à cet équipement, à celle de Rezé, inquiète par son coût. Au final le syndicat intercommunal est dissout en 1932 et le territoire prévu pour accueillir l’abattoir annexé à Nantes. Le 16 octobre 1933 l’abattoir de Talensac est transféré sur le site actuel des Nouvelles Cliniques nantaises.

Les abattoirs de Pont-Rousseau exercent leur activité de 1933 à 1975.

Un monde haut en couleur

Natif de Pont-Rousseau, Robert Boudaud a fréquenté ces abattoirs pendant une trentaine d’années. Son père, boucher rue Félix Faure, l’emmenait avec lui acheter bovins et veaux vivants. Il a pris sa suite en 1959. « C’était très convivial, tout le monde se connaissait », se rappelle-t-il. Dans une ambiance « brut de décoffrage », des personnages hauts en couleur animent les lieux ; le tutoiement et l’usage du prénom sont de rigueur. Les affaires se poursuivent au café du Petit Coin, à l’entrée du site, à la cantine des abattoirs ou dans les nombreux cafés de Pont-Rousseau. Un simple chiffre donne l’ampleur de l’activité des abattoirs nantais : rien qu’à Rezé « on comptait 21 bouchers dont 6 dans notre rue », se remémore Robert Boudaud. Des activités induites font vivre Pont-Rousseau et les alentours. Des entreprises travaillent les abats, d’autres les peaux et les cuirs, les savonneries récupèrent les graisses. Le spectacle est aussi dans la rue : des bovins sont conduits des prairies de Sèvre à l’abattoir à travers ville. Les bêtes sont parfois moins disciplinées. « Quand une bête foutait le camp de l’abattoir, ça mettait la pagaille », s’amuse encore Robert Boudaud.

Les métiers des abattoirs

Les mandataires et les chevillards (bouchers qui dépècent la bête en gros quartiers) commercialisent les bêtes. Celles-ci passent entre les mains de “l’armée des tueurs, qui étaient au moins une quinzaine à l’époque de Pont-Rousseau”, se souvient Robert Boudaud. Entrent ensuite en action les peseurs, les porteurs de viande et les boyautiers, qui travaillent les abats et les viscères.

Déficit chronique

Plus aux normes, notamment en matière de froid, l’abattoir de Pont-Rousseau cesse son activité en 1975, date à laquelle un nouveau site est mis en service le long de la route de Pornic. Sur un terrain de 13 hectares sont édifiés un bâtiment principal de 11 000 m² et des entrepôts frigorifiques de 5 000 m². Mais les déficits d’exploitation sont importants. Les effectifs des abattoirs fondent de 149 employés municipaux et privés en 1982 à 75 en 1988. L’activité tourne alors autour de 14 000 tonnes annuelles. Ne pouvant assumer la mise aux normes européennes de l’abattoir, la Ville de Nantes le cède en 1989 à la société Voillet, abatteur de porcs à Saint-Philbert-de-Grandlieu. En 1990, Voillet s’associe avec Banchereau, société d’abattage du Maine-et-Loire spécialisée dans les bovins. L’activité remonte à 35 000 tonnes pour 300 salariés, mais reste lourdement déficitaire. Voillet est placé en redressement judiciaire fin 1993 et les abattoirs disparaissent de l’agglomération nantaise en 1995. Les bouchers du Sud-Loire se fournissent désormais auprès des abattoirs de Cholet, La-Roche-sur-Yon ou Challans.

L’enseigne du restaurant “Les Abattoirs”. La table était réputée et courue pour les déjeuners d’affaires.