Le savon « made in Rezé »
(mars 2016)

Installée à haute-Île depuis 1947, la Savonnerie de l’Atlantique perpétue une forte tradition industrielle nantaise, entamée au début du 19e siècle. Elle vient d’investir dans une seconde usine à Pont-Saint-Martin pour poursuivre son développement.

C’est une histoire industrielle entamée sur Nantes au début du 19e siècle qui continue de s’écrire à Rezé et, désormais, également à Pont-Saint-Martin. Dernière savonnerie de capacité industrielle en France, la Savonnerie de l’Atlantique fête en 2016 ses dix ans sous ce nom mais elle est en réalité bien plus âgée car elle est l’héritière d’une longue tradition. En pleine forme, elle vient d’injecter 2,2 millions d’euros dans un second outil industriel pour poursuivre sa croissance.

La société a pourtant failli disparaître. En 2005, la Savonnerie Bernard dépose son bilan. Trois de ses cadres, Yvan Cavelier, Patrick Dailly et Pascal Marchal s’associent pour la sauver et la relancer sous le nom de Savonnerie de l’Atlantique. Leur stratégie est de se concentrer sur le cœur du métier, la fabrication de savons durs, et d’arrêter celle de gels douches, crèmes lavantes et lessives liquides. « Nous sommes les seuls en France à maîtriser le savoir-faire de transformation de l’huile en savon », explique Yvan Cavelier.

L’entreprise se développe

Cette singularité est pleinement reconnue. En France, où la Savonnerie de l’Atlantique travaille pour la plupart des enseignes de la grande distribution et des clients comme L’Oréal. Mais aussi à l’export, où ses savonnettes « made in Rezé » font un tabac. La croissance est régulière et la savonnerie se retrouve à l’étroit dans son site historique de la Haute-Île, où elle est installée depuis 1947. La nouvelle usine de Pont-Saint-Martin, d’une superficie de 3 200 m², va assurer le conditionnement des savons de toilette et de parfumerie, et le stockage des produits finis. À Rezé, la Savonnerie de l’Atlantique va continuer de transformer les huiles (suif, huile de palme, coprah, beurre de karité…) en savon et de conditionner les savons de ménage. Le savoir-faire nantais de la production de savon, qui vint concurrencer au début du 19e siècle les industriels marseillais, garde donc avec les Savonneries de l’Atlantique un dernier et solide représentant.

Une spécialité nantaise…

En 1837, la savonnerie de la Morinière se trouvait sur les bords de Sèvre

C’est dans les années 1830 que cette industrie s’arrime dans la région, favorisée par la reconversion des circuits de la traite négrière. Le négociant Charles Bonamy et son associé Gustave de Coninck créent en 1837 la Savonnerie de la Morinière à Rezé sur les bords de Sèvre. Ambitieux et novateur, le projet vise à fabriquer 500 000 kilos de savon par an à base d’huile de palme importée de la côte occidentale d’Afrique. Il échoue mais enclenche une dynamique. En 1844, Henri Serpette crée à Nantes sa savonnerie, qui intègre une fabrique de soude artificielle et une huilerie. Quarante ans plus tard, Alexis Biette expérimente un autre modèle en ajoutant à sa fonderie de suif une fabrique de savons, parfums et bougies. À Nantes, on recense une trentaine de savonneries à la fin du 19e siècle. En 1930, elles emploient 450 personnes et produisent 2 000 tonnes par mois.

… et une tradition rezéenne

Les Rezéens ont connu plusieurs savonneries. 1830 : la Savonnerie de la Morinière ; 1909 : la Savonnerie de la Sèvre à Pont-Rousseau, située aux confluents de la Sèvre et de la Loire ; 1947 : la Savonnerie Bernard (héritière de la Savonnerie nantaise née en 1915) qui bénéficie de la proximité des abattoirs et de la fonderie de suif Mainguet ; 2006 : la Savonnerie de l’Atlantique (issue de la Savonnerie Bernard) qui s’inscrit dans l’héritage des grandes savonneries nantaises et est dépositaire d’un vrai savoir-faire qui vola même la vedette aux Marseillais lors des grandes expositions nationales du 19e. Aujourd’hui encore… La Savonnerie de l’Atlantique est la seule savonnerie de capacité industrielle en France, mettant en œuvre la méthode dite « de Marseille ».

Julien Gracq en parle

Dans La forme d’une ville, l’écrivain Julien Gracq se remémore la savonnerie de la Sèvre, visitée durant son adolescence : « Le bruit, le remue-ménage des tapis roulants, des salles nettes et lumineuses de conditionnement et d’emballage, l’odeur enveloppante, un peu sucrée de lessive fraîche, furent mon premier contact avec l’industrie : contact exempt de répulsion comme de tristesse. »

Bibliographie

Savons et savonneries – le modèle nantais, Emmanuelle Dutertre, éditions MeMo

L’art du savonnier parfumeur, la savonnerie parfumerie moderne, Arnaud Biette, Itimédias Éditions