Durant 30 ans, à Trentemoult, près de la place des Filets, le Chantier du port a donné naissance à des centaines de navires de plaisance dont beaucoup naviguent toujours.
Le 24 octobre, la Ville propose un bistrot de l’histoire pour se remémorer les grandes heures des chantiers navals qui bordaient sa rive, le long de la Loire. L’an passé (Rezé Mensuel septembre 2008 / n°33), nous nous souvenions des chantiers Aubin installés de 1962 à 1980 à Norkiouse. Cette fois, nous rencontrons l’un des capitaines du Chantier du port.
L’air du large soufflait déjà sur le berceau de Georges Lebeaupin, né à Trentemoult en 1928, d’un père charpentier de navires, dans la maison du commandant Lebreton. Devenu menuisier, il travaille à l’aménagement de bateaux et, pendant ses congés, édifie un hangar attenant à la maison familiale : « J’y ai construit mes premiers bateaux, des annexes, pendant les week-ends, seul ou avec l’aide de copains. Le 12 août 1953, j’ai mis à l’eau mon premier Belouga, Reine ». Un fier navire qui remporte moult régates, la coupe de France en 1955 et 1956, et suscite l’intérêt d’André Cornu, ingénieur aux Ateliers et chantiers de Bretagne (ACB). Celui-ci recrute Georges Lebeaupin, qui va gravir rapidement les échelons de traceur jusqu’à agent de maîtrise… Tout en construisant pour André Cornu un caneton, Nymphéa, trois fois champion de France, et pour son fils un “5o5” qui participe aux Jeux olympiques de Rome en 1960.
Succès au salon nautique de Paris en 1960
C’est aux ACB que Georges Lebeaupin rencontre Georges Berthaud. En 1958, les deux Georges prennent leur compte pour fonder leur propre chantier de construction de bateaux de plaisance. Un terrain inondable en bordure de Loire, près de la place des Filets, est acheté et remblayé avec des pierres du château de Rezé démoli. Grâce à un prêt familial et à l’aide de beaucoup d’huile de coude, un hangar de 22 m sur 11 m, comprenant atelier de construction, bureau et salle à tracer, est construit en une journée, selon des plans fait maison. La première commande arrive : un Belouga. Georges Lebeaupin trace le bateau à partir des plans d’Eugène Cornu et le construit en mettant au point de nouvelles techniques. Le bateau exposé au salon nautique de Paris en 1960 vaut au chantier une pluie de commandes. Il faut embaucher un, puis cinq menuisiers. Le chantier emploiera jusqu’à une vingtaine d’ouvriers triés sur le volet : « Que des gars qui savaient faire ! On n’était pas faciles. »
Les tests se déroulaient en famille
Après ce démarrage, le Chantier du port Berthaud-Lebeaupin connaît de nombreuses heures de gloire. Il sait s’adapter et innover pour faire face aux évolutions. Entre 1963 et 1964, deux nouveaux hangars sont édifiés. En sortent des Belougas en bois, puis en aluminium, mais aussi des Mopelias, des dériveurs… Le chantier met aussi ses compétences au service d’autres constructeurs de bateaux et s’associe même, dans les années 70, au pavillonneur Phénix pour aménager l’intérieur de 50 maisons. Pendant les week-ends, Georges Lebeaupin, sa femme Éliane et leurs trois enfants testent en famille les améliorations techniques apportées aux bateaux…
Aujourd'hui : le centre nautique Sèvre et Loire
1977. Georges Berthaud prend sa retraite. Georges Lebeaupin, victime d’un accident du travail, cède ses parts. 1985 : le chantier périclite. Il connaît une rémission en 1989 sous le nom de “La griffe marine”, une Scop fondée par une grande partie du personnel du chantier. La société quitte Trentemoult pour Cheviré, elle fermera en 1995.
Aujourd’hui, l’ancien chantier est propriété de la Ville qui le met à disposition du Centre nautique Sèvre et Loire. Dans son terrain, en plus des pierres du château, repose aussi un navire, celui de Joachim Cornu (père d’André), qui gagnait toutes les régates et auquel son propriétaire a étrangement souhaité accorder une sépulture terrestre. Quant au « Reine », ancêtre de tous les autres, c’est désormais Jean-Claude, fils de Georges et Éliane qui l’emmène à la victoire, puisqu’il continue vaillamment de remporter des courses…