Le 29 août 1944, Rezé libérée (juin-juillet-août 2024)

Vue aérienne (début des années 1950) de Norkiouse et Trentemoult avec des épaves de navires coulés dans la Loire lors des bombardements de 1943. (Édition Artaud)

 

Il y a quatre-vingts ans, après plus de quatre années d’occupation allemande, la ville retrouve sa liberté. Elle a payé un lourd tribut à cette sombre période.

 

Été 1944. De nouveaux bombardements ont lieu : le pont de chemin de fer de Pont-Rousseau est coupé, un avion américain touché s’écrase au Jaunais, quatre des six soldats présents à bord décèdent sur le coup. 29 août 1944, Rezé se réveille enfin libre, deux semaines après Nantes. Les troupes allemandes viennent de quitter la ville, qu’elles occupaient depuis plus de quatre ans. Quatre longues années marquées par les arrestations et les déportations, les entraves à la libre circulation, les privations, les bombardements. Après la Libération, vient le temps de la reconstruction. Elle est d’abord politique : la mise en place du gouvernement provisoire dirigé par le général de Gaulle permet la réinstallation des conseils municipaux démis en 1941 par le régime de Vichy. À Rezé, l’ancien maire, Jean Vignais, et ses conseillers sont restaurés dans leurs fonctions dès le 8 septembre 1944. La première séance du conseil municipal dans un Rezé libéré est l’occasion d’une adresse affirmant le soutien et la gratitude de la ville envers le général de Gaulle et la Résistance. 8 mai 1945 : la victoire des Alliés et la capitulation de l’Allemagne mettent fin à une sombre période entamée en 1939.

La vie sous l’Occupation

Soldats allemands occupant le site des Naudières, photographie, 1941.

Rezé entre dans la « drôle de guerre » avec la mobilisation de soldats et l’accueil de cantonnements sur son territoire, et notamment de troupes anglaises. Très rapidement, c’est la débâcle. L’armée allemande entre à Nantes et Rezé le 19 juin 1940. Commence alors la vie sous le régime de l’Occupation. Des Rezéens sont enrôlés ou raflés pour être envoyés outre-Rhin afin de travailler en Allemagne (service du travail obligatoire). La population est touchée par les difficultés de ravitaillement et les pénuries. Les soldats allemands s’installent dans la ville, prennent possession de nombreux bâtiments. Ils réquisitionnent ainsi le domaine des Naudières, qui accueille l’un des plus importants contingents militaires sur le territoire rezéen, mais aussi le château de la Classerie, le manoir de Praud, le château de la famille de Monti, le château de la Balinière, transformé en hôpital militaire, des écoles… Sur le plan politique, une municipalité, mise en place par le régime de Vichy, prend les commandes dès 1941 et applique une politique collaborationniste.

Une résistance rezéenne décimée

Face à cette situation, une résistance se développe et implique des femmes et des hommes, souvent issus du monde ouvrier et syndicaliste, parfois militants communistes. Jeunes ou moins jeunes, ils paieront un lourd tribut à la répression. Une vague d’arrestations survient à partir de l’été 1942, prélude à des parodies de procès. Huit résistants rezéens sont ainsi condamnés à mort et fusillés en janvier 1943 à la suite du « procès des 42 » et deux autres en août 1943 après le « procès des 16 ». D’autres sont arrêtés et fusillés par la police. D’autres encore sont victimes de la déportation et de l’extermination dans les camps de la mort nazis. Une femme et 46 hommes, natifs, domiciliés ou arrêtés à Rezé, ont été déportés pour leur engagement contre l’occupant, et 29 d’entre eux n’en reviendront pas.
Deux femmes, Marie-Yvonne Rahir, née à Rezé, et Henriette Bochereau, qui y a vécu, ont été reconnues Justes parmi les Nations pour avoir chacune sauvé un enfant juif pendant l’Occupation (lire « Ces Rezéennes Justes parmi les Nations » dans Rezé Mensuel mars 2024).
L’année 1943 est marquée par l’intensification des bombardements américains. Rezé, située entre le port et la gare de Nantes d’un côté, l’aéroport stratégique de Château-Bougon de l’autre, n’est pas épargnée : plus de 200 bombes pleuvent sur le territoire. Le secteur de Pont-Rousseau est particulièrement touché en septembre 1943 et la population traumatisée.

Affiche de la première fête nationale après la Libération de Rezé dans le village de La Chaussée, 14 juillet 1945.

Elle raconte

« Tout le monde dansait sur la nationale 137 »

« Durant la guerre, nous habitions à Ragon. Je me souviens que l’école était remplie d’Allemands. Ils s’y sont installés en 1942. Nous avons connu les privations, nous avions des tickets de rationnement pour tout. Les 16 et 23 septembre 1943, un déluge de bombes est tombé à Rezé. On avait la trouille, les lustres tremblaient dans la salle. Je me souviens bien aussi de la liesse populaire lors de la Libération en 1944. Mes parents tenaient alors un café à Ragon, qui existe toujours au 52, rue Ernest-Sauvestre. Mon père, Arthur Dugast, avait mis une barrique devant le café pour arroser la Libération. Tout le monde dansait sur la nationale 137, il y avait des accordéons, c’était la grande fiesta. »

Lucette Dugast Corbineau, habitante de Ragon, avait dix ans en 1944.

Une mémoire à préserver

Avec le temps, les souvenirs s’estompent, les témoins disparaissent, la transmission s’affaiblit. C’est là tout l’intérêt des cérémonies, commémorations et autres monuments et noms de rues qui rendent hommage aux victimes. Et au-delà de la dimension humaniste, se souvenir combat l’indifférence face aux soubresauts de l’histoire qui se répète.
Depuis 1944, de nombreux temps d’hommage perpétuent l’engagement de Rezé à préserver cette histoire et à la transmettre. Cette année, une nouvelle commission vient de se mettre en place. « Créé à la fin des années 1970, le Comité d’entente des anciens combattants avait besoin d’être redynamisé, indique Philippe Audubert, élu en charge du protocole et des anciens combattants. La nouvelle commission extramunicipale Histoire et mémoires compte une vingtaine de membres, auxquels peuvent s’adjoindre des personnes extérieures sur certaines thématiques. » Cette année, elle proposera des animations en plus des cérémonies du 29 août et du 11 novembre.

La commémoration pour les 80 ans de la Libération de Rezé aura lieu jeudi 29 août à 11h au square Jean-Moulin. Plusieurs événements sont prévus pour marquer cet anniversaire, dont une lecture contée de l’ouvrage « Les Rezéens dans la Seconde Guerre mondiale ». Une plaque commémorative sera installée dans le quartier de La Blordière, là où un avion américain s’est écrasé le 19 juillet 1944.