La Maison Radieuse a soixante ans
(été 2015)

Il y a 60 ans naissait la Maison Radieuse

À la suite de la seconde guerre mondiale, la ville de Nantes et son agglomération connaissent une crise du logement particulièrement sévère. Les bombardements, le baby-boom, l’arrivée massive de travailleurs étrangers pour répondre à l’industrialisation du pays sont autant de facteurs qui génèrent une situation critique. De multiples réponses architecturales sont alors proposées en France. Celle de Le Corbusier, qui pense sa réalisation comme un « village vertical », est probablement une des plus qualitatives pour l’époque : chacun des 294 appartements en duplex, particulièrement lumineux, dispose d’une terrasse, d’une douche, de toilettes et d’un système de ventilation centrale. Une révolution pour l’époque.

Les matériaux de construction sont de qualité, assurant une bonne isolation, et l’immeuble est placé au sein d’un vaste espace vert. Si 650 personnes environ y vivent actuellement, ils auront été près de 1 500 il y a quelques décennies. Aujourd’hui, signe d’une réussite, la façade, l’école de l’immeuble, deux appartements, les circulations intérieures ainsi que la passerelle de l’étang sont classés à l’inventaire des monuments historiques. Pour retracer l’histoire de ce grand projet collectif, l’historien et critique d’architecture Dominique Amouroux, a écrit l’ouvrage La Maison radieuse de Rezé, coproduit par la Ville et le CAUE (conseil architecture urbanisme environnement) de Loire-Atlantique. Cette synthèse historique et analyse architecturale du bâtiment permet de proposer aux visiteurs une documentation qui jusqu’alors n’existait pas.

Faite pour des hommes, faite à l’échelle humaine, dans la robustesse des techniques modernes, manifestant la splendeur du béton brut, pour mettre les ressources sensationnelles de l’époque au service du foyer.

Le Corbusier

Une maison de maître à dimension humaine

La Maison radieuse, conçue par l’architecte Le Corbusier, fête cette année ses 60 printemps, et l’on y vit toujours bien. D’hier à aujourd’hui, retour sur une conception unique de l’habitat.

Elle est parfois considérée comme l’emblème de la ville. Elle fascine et impose, représentant l’architecture d’une époque. 6 500 visiteurs viennent chaque année emprunter ses rues* et découvrir la vue sur Nantes du toit-terrasse. La Maison radieuse a été construite pour répondre à la crise du logement des années 1950. Le besoin ? Accueillir beaucoup de familles tout en apportant une vraie qualité de vie.

Maintes fois décriée – pour son aspect extérieur notamment (un grand paquebot de 108 mètres de long, 52 mètres de haut, 19 mètres de large), et même refusée à l’époque par la Ville de Nantes quand il fallut lui trouver un port d’attache, elle reste aujourd’hui plébiscitée par ses habitants pour la qualité des appartements, et, surtout, pour la convivialité qui y règne.

« L’esprit Corbu »

Au sommet de la Maison radieuse, une école maternelle qui accueille une quarantaine d’élèves.

« Quand je suis arrivée à Rezé, j’ai cherché un logement où je n’allais pas rester six mois sans parler à mes voisins, raconte Anne Scotet, présidente de l’association des habitants de la Maison radieuse (AHMR). Bien sûr, l’appartement me plaisait, mais j’ai d’abord choisi d’y vivre car j’avais entendu parler du lien social et de la vie associative qui y existait. » Ouverture aux autres, partage, mixité sociale : en 2015, l’esprit qu’avait insufflé Le Corbusier à son projet persiste donc toujours. « On retrouve ici une vie de village d’autrefois, où les gens se connaissent tous et s’entraident ». Ce « village vertical » est pensé pour créer du lien entre les habitants : des locaux pour les activités collectives, un kiosque et un bureau de poste en rez-de-chaussée (aujourd’hui fermés), trois ascenseurs centraux incontournables où se croisent les habitants, un parc privé de 6 hectares… et l’école maternelle construite par la Ville et nichée sur le toit du bâtiment.

Des lendemains radieux ?

Son maintien est un enjeu primordial pour les habitants actuels. «Nous y sommes très attachés car elle est restée telle qu’à l’époque de sa conception, et, surtout, elle amène de la vie. Mais sa pérennité est sans cesse remise en question », détaille Yvette Bourry, membre de l’AHMR. Autre enjeu, bien sûr, le maintien de l’école et toute cette vie sociale au sein du bâtiment. « 13 clubs existent aujourd’hui, qui vont de la photographie à l’apprentissage de l’espagnol.  Tous sont animés par des bénévoles, c’est fondamental. »

L’entretien d’un tel « paquebot » est difficile, les rénovations sont onéreuses et soumises à la surveillance de l’Architecte des bâtiments de France. Néanmoins, 60 ans après sa construction, les habitants ont toujours su rebondir et garder intacte l’âme de « leur Corbu », qui rayonne bien au-delà de ses murs. Avec une seule volonté, « que ça dure encore longtemps ».

* Nom donné par l’architecte aux couloirs desservant les appartements

« Ce village vertical est un vrai quartier qui regroupe toutes les valeurs portées par la ville de Rezé : l’humain, la mixité, le collectif et l’urbanisme qui laisse place à la nature.
La Cité radieuse est une source d’inspiration pour répondre à nos besoins contemporains d’accueil d’une population croissante dans notre agglomération. »

Dominique Poirout, adjointe déléguée au tourisme et aux quartiers Rezé-Hôtel de Ville, Trentremoult-les-Isles et Château.