La folle histoire de la Balinière
(décembre 2009)

La Balinière, manoir du XVIIe racheté par la Ville en 1987, est depuis dix ans un patrimoine vivant. Grâce à ses locataires que sont l’école de musique et de danse, l’Aria et l’Arc.

 C’est sous le règne d’Henri IV, qu’un certain Poullain, seigneur des Bretesches, s’offre la première bâtisse de la Balinière. En 1692, la demeure est acquise par Jacques Hannepier marchand de la Fosse à Nantes, pour la somme de 4 500 livres. La description de l’acte de vente atteste alors d’une bâtisse imposante : «  Un logement couvert de thuiles, avec une chambre basse, chambre au-dessus et un petit pigeonnier, laitterye, boullangerie, escurie, logement du pressouer avec le dit pressouer, logement du bourdier, cour au devant enffermée de murailles et de hayes, jardin tant au derrière que devant… » Doté d’une belle fortune, le riche marchand entreprend des agrandissements. À la fin du règne de Louis XIV, la Balinière est devenue l’une des nombreuses « folies » que les riches bourgeois nantais acquièrent ou édifient à partir du XVIIIe  siècle, souvent au bord de l’eau..

Déjà musicienne à la fin du XVIIIe

Ce manoir du XVIIe, acquis par la Ville en 1987, est depuis dix ans un patrimoine vivant. Grâce à ses locataires : l’école de musique et de danse, l’Aria et l’Arc.

D’héritages en rachats, la Balinière va connaître trois familles jusqu’à la Révolution (1789). La seconde, Bourgault du Coudray, grande famille de négociants et d’armateurs lui ajoutera une chapelle, toujours présente, dédiée à sainte Anne. Le propriétaire, Alfred, professeur d’histoire générale de la musique au conservatoire de Paris, est sans doute le premier à faire résonner la musique entre ses murs.

À partir de 1793, Rezé est prise dans la tourmente des insurgés vendéens. La Balinière, fief d’un poste militaire républicain, échappe au désastre. Et devient même un refuge pour les bleus traqués par les blancs.

Au début du XIXe, la propriété est celle d’un important négociant négrier, Charles Sarrebourse d’Audeville. Puis d’un grand fabricant de meubles, Leglas-Maurice, qui redonne à la propriété son lustre d’antan. Son héritier, Léon Jamin, sénateur et président du Conseil général, y édifie une grande salle de réception vouée à des fêtes fastueuses. Pendant les guerres de 1870 et 1914, la Balinière devient un hôpital militaire accueillant des soldats convalescents. En 1940, réquisitionnée par les Allemands, elle est à la fois quartier général et lieu de repos. Après la guerre, la fille de Léon Jamin se réapproprie le lieu, et y demeurera jusqu’à sa mort.

Un patrimoine qui profite à tous

L’après-guerre est l’époque de la reconstruction. Au début des années 1950, une partie du parc est vendue et utilisée pour la construction de la première cité Castor. Dans les années 80, les promoteurs s’intéressent à la propriété. Ils projettent de la raser. Opposition de la mairie qui veut conserver ce patrimoine historique. Elle l’achète en 1987, avec l’idée que cette propriété profite à tous les Rezéens. En 1994, le parc « à la française », rénové d’après le plan tracé au XIXe siècle est rouvert, offrant aux promeneurs un cadre exceptionnel, ses variétés de roses, ses végétaux sculptés.

Le choix d’y installer un centre musical s’impose rapidement. La Ville s’est engagée dans une politique culturelle forte axée autour de la musique. Son école municipale de musique et de danse est, avec ses 800 élèves, confrontée à un problème de locaux. « Et nous avions le souhait de réunir sur un même lieu les différentes structures musicales, formation, promotion et diffusion », témoigne Philippe Le Corf, fondateur de l’école municipale, et actuel directeur de l’Aria. Le temps de mener les études, de financer le projet, une décennie s’écoule jusqu’à l’installation du centre musical dans ses nouveaux murs fin 1999.