En juin, Friedrich a quitté Rezé après plus de 60 ans d’activité. Une entreprise qui a eu du nez dans le domaine de l’embouteillage : lancement du cubitainer, du bag-in-box…
Ce n’est pas sans un pincement au cœur que Rodolphe Lefort a fermé pour la dernière fois la porte de son entreprise de la rue de la Basse-Île, en juin dernier, mettant un terme à une histoire commencée il y a plus de soixante ans par ses grands-parents.
En 1947, à la Barbonnerie, André Friedrich, fils d’immigré polonais, se lance avec son épouse dans l’achat aux viticulteurs de la région de vin en barriques, pour le revendre à d’autres négociants qui l’embouteillent. L’affaire, fructueuse, emménage en 1962, dans la zone industrielle en création sur les bords de Loire. Le premier bâtiment s’élève près de l’actuel magasin Conforama.
Grand tournant dans le développement de l’entreprise : la rencontre avec Édouard Leclerc, qui est en train de mettre en place son système de grande distribution. « C’était vers 1967-68. Dans le secteur du vin, explique Rodolphe Lefort, il y avait énormément d’intermédiaires. Personne ne voulait livrer le premier supermarché de Landernau en Bretagne. Mon grand-père, lui, a accepté, sachant qu’il perdrait en même temps tous ses autres clients. » André Friedrich a vu juste. Il participe au succès du célébrissime “vin étoilé”, embouteillé à Rezé et livré par camions entiers dans toute la Bretagne. Du jamais vu. L’entreprise Friedrich, qui a su accompagner la naissance des supermarchés, grandit avec eux.
Invention du cubitainer...
Deuxième coup de génie dans les années 80 : l’invention du cubitainer de cinq litres en plastique, adapté aux personnes ayant une consommation de vin importante et régulière ou à ceux qui souhaitaient mettre eux-mêmes leur vin en bouteille. Inspiré de la bonbonne italienne, le récipient imaginé par André Friedrich obtient un tel succès que, rapidement, la société se lance dans leur fabrication, assurant ainsi toute la chaîne entre le viticulteur et le distributeur. Friedrich en commercialise jusqu’à 7 millions par an.
...et du « bag-in-box »
Suivant toujours au plus près l’évolution de la société, la société Friedrich lance dans les années 90 le « bag-in-box » (poche en plastique placée dans une boîte en carton), mieux adapté à une consommation qui a diminué en quantité et s’oriente davantage vers la qualité. Ce récipient utilisé notamment en Angleterre et aux États-Unis pour conditionner divers produits permet de conserver parfaitement le vin, sous vide, pendant plusieurs semaines après ouverture. Là encore, le succès est fulgurant : de 200 000 unités la première année, les ventes passent en quelques années à 12 millions d’unités par an.
Départ de Rezé, une page se tourne
Parallèlement, André Friedrich a passé la main en 1993 à ses deux filles, Danièle et Odile. Rodolphe Lefort est l’un des fils de cette dernière. Il connaît par cœur l’entreprise : « J’ai habité sur place, avec mes parents, dans un appartement devenu par la suite des bureaux. » Pourtant, c’est sans l’avoir vraiment voulu qu’il est amené à reprendre, aux débuts des années 2000, une société qui connaît à ce moment des difficultés. Avec sa mère « ainsi que le personnel de l’entreprise », ce jeune commercial parvient à redresser la barre. Mais, à l’étroit dans des locaux pourtant plusieurs fois étendus, Friedrich accepte en 2007 l’offre d’achat de la société Castel qui se propose de réunir en un même site trois sociétés d’embouteillage. Rodolphe Lefort dirigera l’ensemble. La grande majorité des employés suit le déménagement de la « maison » trentemousine à La Chapelle-Heulin. Une page est tournée, mais la marque demeure… et Rezé n’oublie pas.