Le Sud-Loire et Nantes n’ont longtemps été reliés que par une seule ligne de ponts. À l’heure où l’on évoque des solutions de nouveaux franchissements, un retour sur les projets du passé, avortés ou concrétisés, jette une passerelle entre les époques.
Nantes Métropole doit accueillir 100 000 habitants supplémentaires d’ici 2035. Ce dynamisme ne sera pas sans impact sur la mobilité. Les projections prévoient 17% de déplacements en plus. Plus significatif encore, le nombre de franchissements de Loire progresserait de 35%, une différence liée au renforcement de la centralité et au développement de l’Ile de Nantes. Dans le détail, le bras de la Madeleine passerait de 240 000 franchissements quotidiens à 370 000 en 2030. Le bras de Pirmil, qui sépare Nantes du Sud-Loire, progresserait lui de 170 000 à plus de 300 000 passages journaliers.
« Inventer des solutions »
Face à ces chiffres, une chose est sûre : il faut « inventer des solutions de franchissement », a rappelé Eric Chevalier, directeur général délégué à la cohérence territoriale à Nantes Métropole, lors d’une audition publique du Débat Loire. Ces solutions devront répondre au développement du territoire, mais aussi aux objectifs fixés par les élus de Nantes Métropole en termes de mobilité : réduction de la part de la voiture et progression des déplacements à pied, à vélo et en transports en commun. Des projets bien différents sont aujourd’hui à l’étude, certains dédiés aux modes de déplacement doux, d’autres faisant une place aux transports en commun et à la voiture : amélioration des ponts existants, pont fixe ou mobile, passerelle, tunnel, transbordeur, câble, navette fluviale.
Pour un territoire qui a des perspectives de développement important, cinq kilomètres sans alternative entre Cheviré et Anne-de-Bretagne, c’est un vrai problème !
Encombrements dès le 18e
La liste des options est longue et variée. Un regard porté sur le passé montre que le besoin de nouveaux franchissements de Loire n’est pas nouveau. Longtemps, Nantes n’a pourtant qu’une seule ligne de ponts pour communiquer avec le Sud-Loire, sans doute parce que son perpétuel entretien mobilise toutes les énergies. Ce qui n’empêche pas les projets de fleurir. « Dès le 18e siècle, les encombrements de la route des ponts révèlent l’insuffisance d’une seule voie d’accès au Sud-Loire », relève André Péron, spécialiste de l’histoire des ponts nantais*. En 1778, l’architecte Jean-Rodolphe Perronet trace un second projet en continu des bras de Loire. La seconde ligne de ponts ne verra le jour qu’en… 1966 avec l’axe Georges-Clemenceau / Aristide-Briand.
Cheviré enjambe la Loire en 1991
Au carrefour des années 1970 et 1980, les élus abandonnent le projet des grandes pénétrantes et font le choix du contournement de la ville centre. On étudie, déjà, diverses solutions de franchissement à l’Ouest. On l’a quelque peu oublié mais le pont de Cheviré, si ancré aujourd’hui dans le paysage métropolitain, a failli être un tunnel. Le choix du pont l’a emporté. Ce nouveau franchissement a largement contribué à l’amélioration de la vie quotidienne des habitants – il fallait parfois plus de deux heures pour franchir la Loire ! – et au développement économique du Sud-Loire.
Relier Chantenay à Trentemoult
Malgré tout l’intérêt de Cheviré, inauguré en 1991, la création du pont des Bourdonnières et le doublement de Pirmil pour accueillir les transports en commun, la nécessité d’un franchissement entre Rezé et l’Ile de Nantes reste criante. Jusque-là les voitures empruntaient le pont ferroviaire de Pornic pour rejoindre Nantes. Ouvert à la circulation en 1995, le pont des Trois-Continents met le quai de la Fosse à deux kilomètres d’Atout Sud. Pour André Péron, « les deux nouveaux ponts de Cheviré et des Trois-Continents ont contribué à désenclaver Trentemoult et modifié le rapport de Rezé à Nantes et au Nord-Loire ».
Le potentiel des ponts actuels
Le pont des Trois-Continents, comme celui d’Anne-de-Bretagne, fait partie des ouvrages existants qui pourraient voir leur capacité améliorée. « On peut parfaitement imaginer sur le pont des Trois-Continents une infrastructure de transports publics pour rejoindre demain la ZAC des Isles à Rezé », a déclaré Alain Boeswillwald, directeur général de la Semitan, lors du Débat Loire.
Transbordeur, téléphérique, tunnel, bateau…
Pour le bras de la Madeleine, des projets « citoyens » plus adaptés aux modes doux, comme la renaissance du transbordeur ou un transport par câble, ont émergé ces dernières années.
En aval, la nécessité d’un franchissement entre Chantenay et Trentemoult, liée aux projets urbains du Bas-Chantenay et de la ZAC des Isles, semble faire consensus. La solution retenue, tunnel en caisson immergé ou pont, devra « concilier les exigences de la navigation sur le fleuve et les exigences de traversée », rappelle André Péron. D’autant que « la question des franchissements ne doit pas être réduite à celle des ponts », poursuit-il en citant le navibus et son ancêtre le roquio. Le succès de la ligne entre Trentemoult et Gare maritime, qui a transporté 520 000 passagers en 2014, fait aussi porter les réflexions sur un développement des liaisons fluviales.
* Revue Place Publique, janvier-février 2015
Les chiffres
Dans l’agglomération nantaise, la majorité des franchissements de Loire se font par les ponts du périphérique.
Cheviré absorbe ainsi 110 000 passages quotidiens et Bellevue 97 000. Tous modes confondus, les cinq ponts reliant Rezé et Saint-Sébastien à Nantes cumulent 171 000 franchissements. En 2012, le trafic routier journalier était de 34 600 voitures sur Pirmil et de 29 400 sur le pont des Trois- Continents.