Benjamin Péret, discrètement Rezéen…
(janvier 2021)

Jusqu’au 27 mars 2021, avec l’exposition La parole est à Péret, la médiathèque de Nantes et la Ville de Rezé rendent hommage au poète surréaliste né à Rezé en 1899.

Benjamin Péret en 1958

Au 15, rue Alsace-Lorraine se dresse un immeuble ancien dont la porte cochère est surmontée d’un angelot. C’est là que, le 4 juillet 1899, Victor Maurice Paul Benjamin Péret a poussé son premier cri. De son enfance rezéenne, nulle trace. Idem pour son passage au lycée Livet à Nantes. L’histoire commence lorsque, en 1917, le futur poète surréaliste est projeté dans la Première Guerre mondiale, « Ce qui a tout facilité » dira-t-il, expliquant que cette terrible expérience l’avait incité à vouloir « changer la vie » et « transformer le monde » – ce qu’il s’emploiera à faire sa vie durant, tant dans son œuvre et ses recherches littéraires que dans ses activités militantes. En 1952, le pape du surréalisme, André Breton, le qualifiera comme « son plus cher et plus ancien compagnon de lutte ». Péret le révolutionnaire, tant dans la vie que dans la poésie qu’il illumine à la faveur de l’écriture automatique.

Ami d’Aragon, d'André Breton…

Revenu dans la région après le conflit, il collabore au journal nantais Le populaire. En 1919, il s’installe à Paris où il rencontre les animateurs de la revue Littérature : Louis Aragon, Paul Éluard et André Breton, qui restera son ami jusqu’à sa mort. Il participe au mouvement dada. En 1921, est publié son premier recueil de poèmes, Le Passager du transatlantique, illustré par Jean Arp.

En 1924, il adhère au mouvement surréaliste dès sa création et est l’un des éléments les plus actifs : codirecteur de La Revue surréaliste, directeur de la nouvelle série de Littérature. En 1925, Péret adhère au Parti communiste, tient la rubrique cinéma de L’Humanité et publie des articles antimilitaristes et anticléricaux. Passé dans l’opposition trotskyste, il publie en 1926 des articles dans la revue Le Minotaure. En 1929, il part pour le Brésil où il exerce la profession de correcteur d’imprimerie, tout en animant la ligue communiste dans le pays. Ses activités politiques lui valent d’être incarcéré puis expulsé en 1931.

De gauche à droite : Victor Serge, Benjamin Péret, Remedios son épouse et André Breton à Marseille en 1940.

De l’Espagne au Mexique en repassant par Nantes

En 1936, Péret s’engage dans les rangs anarchistes en Espagne où il soutient le gouvernement républicain. De retour en France, il est mobilisé en 1939 à Nantes, est arrêté en mai 1940 pour avoir constitué une cellule trotskyste dans l’armée. Il est incarcéré à Rennes pendant un mois.  Comme nombre d’artistes et intellectuels, il ne peut rejoindre New York en raison de ses activités politiques ; il embarque pour le Mexique où il demeure pendant huit ans, travaille à la Revue de l’Institut Français d’Amérique Latine et découvre l’art maya et les mythes et légendes des sociétés précolombiennes.

En 1945, dans Le Déshonneur des poètes, il fustige le recueil L’honneur des poètes, rédigé par Pierre Seghers, Paul Éluard et Jean Lescure, et affirme que toute œuvre poétique véritable est de fait révolutionnaire par la liberté de son expression et que, a contrario, placer la poésie ou l’art en général au service d’une cause politique nuit autant à la poésie qu’à la cause elle-même.

André Breton et Benjamin Péret dans l'appartement du 42 rue Fontaine à Paris, en 1958

Rezé et Péret

Où trouver Benjamin Péret à Rezé ? Sur la plaque d’une avenue ? Non. Dans une toute petite rue, une desserte d’immeuble du quartier Pont-Rousseau, baptisée « rue Benjamin-Perret » (sic) à côté de l’impasse André-Breton et de l’avenue Jacques- Prévert. Le coin des poètes…

Le fonds patrimoine de la médiathèque de Rezé recèle deux manuscrits achetés en 1994 et une photo du poète, acquise en 2004.

En 1984, le groupe Ilotopie, spécialisé dans les interventions urbaines, choisit le poète comme thème de la fête de la ville et installe un fil à linge (avec linge suspendu !) de cinq kilomètres entre la maison de la rue Alsace-Lorraine et la place du Château, suscitant moult réactions. Les artistes avaient aussi inscrit des graffitis signés Péret sur quelques édifices publics, donnant l’impulsion à une vague d’admirateurs qui poursuivent le mouvement dans toute la ville, nuitamment, pendant plusieurs mois, faisant surgir la poésie (et quelque grogne) chaque matin. Comme le souligne avec malice Jean-Yves Cochais dans L’ami de Rezé (novembre 1999) : « Rezé – mine de rien – a démontré à la face du monde que Benjamin Péret était bel et bien ce que toute sa vie il s’était efforcé d’être : irrécupérable. Cette démonstration lumineuse était sans doute le plus juste et le plus brillant hommage que la ville pouvait rendre à son grand homme. » Fut-ce involontairement…