Le téléphone est apparu en France voilà 140 ans en France. En 1965, seulement 2,5 millions de ménages sur 50 millions de Français figuraient dans l’annuaire français. Et à Rezé, combien y avait-il d’abonnés dans les années 1950 ?
« Je voudrais le 22 à Asnières. » Qui se souvient des déboires de cet homme, campé par l’humoriste Fernand Raynaud, face à une opératrice PTT pas très coopérante ? Pas sûr que ce sketch parle aux jeunes générations pour qui le téléphone (pardon : le smartphone) est un objet déifié. Néanmoins, l’époque où il fallait passer par une opératrice pour avoir le 22 à Asnières n’est pas si loin…
Le téléphone est apparu en 1880 en France. En 1881, des abonnés sont reliés au réseau : Nantes compte alors 19 abonnés, Lyon 23 abonnés et Marseille 25 abonnés. À Rezé, la mairie en dispose en 1911. Il a fallu attendre un siècle pour que le téléphone se démocratise. Dans les années 1950, il est le symbole de la modernité, du progrès. Mais peu le possèdent.
280 abonnés en 1953
Un annuaire téléphonique de 1953, trouvé par les Amis de Rezé, révèle que Rezé, qui comptait alors 19 000 habitants, avait 280 abonnés. Les numéros étaient encore à cinq chiffres. Qui possédait en 1953 un téléphone ? « Il s’agissait principalement, pour ne pas dire presque exclusivement, des services publics, des professions libérales, des entreprises et des artisans commerçants », écrit Yann Vince, président des Amis de Rezé, dans le bulletin de l’association*. Il a feuilleté les pages jaunies de l’annuaire et ses pages roses (ancêtres des pages jaunes). Il y découvre les numéros de la Poste, la mairie, la gendarmerie, la Sécurité sociale, les Pompes funèbres, les Ponts et Chaussées, la SNCF. Il recense sept médecins, cinq pharmacies, deux chirurgiens-dentistes, une sage-femme, un vétérinaire, un notaire et un huissier. Les commerçants rezéens sont encore peu équipés : quatre hôtels, deux charcutiers, six bouchers, quatre boulangers, un pâtisser et 27 cafés. C’est le secteur de l’industrie qui noircit les pages de l’annuaire « avec des entreprises comme les Cartonnages de l’Ouest, Friedrich, la Coopérative laitière de Nantes-Banlieue, les Glacières de Bretagne, Magnant (cuirs en poils), Mainguet (suifs et paraffines), les Maraîchers nantais, Reffé, Ruggieri (usine pyrotechnique), la Savonnerie Clair Bernard ou les Tissages Binet (à la Morinière) ». Également très présents, les artisans (menuisiers, maçons, plombiers…), les marchands de bestiaux, les droguistes et quincailliers… Les propriétaires de belles demeures rezéennes en disposaient aussi.
En fait, « pour pratiquement tous les Rezéens, le téléphone n’était accessible que depuis trois cabines publiques, à Pont-Rousseau, à Ragon et à Trentemoult ». Selon des plages horaires précises : « De 8h du matin à midi et de 14h à 18h. À l’exception du dimanche ». Une autre époque, on vous dit.
Le téléphone pleure en Loire-Atlantique
Dans la France des Trente Glorieuses, le téléphone attire. Tout le monde en veut un. Seulement 2,5 millions de ménages sur 50 millions de Français figurent dans l’annuaire français en 1965. Et en Loire-Atlantique, qu’en est-il ? Ce n’est pas mieux qu’ailleurs côté technique. Le député Benoît Macquet confiait à Ouest-France, dans un hors-série Les années 60 en Loire-Atlantique : « Dès mon élection comme député, je mesure combien la situation est dramatique, en particulier pour le Sud-Loire. Les particuliers viennent se plaindre en permanence car ils doivent attendre le téléphone pendant deux ans. Des milliers de demandes sont en instance. En 1967, la Loire-Atlantique compte encore 7 600 demandes dont 4 500 pour la seule ville de Nantes. » Jusqu’au milieu des années 1970, seul un foyer français sur sept en dispose chez lui. Et les demoiselles du téléphone (opératrices), comme on les appelait en 1900, sont toujours là !
Il faudra attendre le début des années 1980 pour que 83% des ménages disposent d’un téléphone à domicile. Les opératrices disparaissent. Le Minitel remplace l’annuaire. Une nouvelle ère commence. En 2019, 94% des Français ont un téléphone mobile…
*L’Ami de Rezé, n°25 (novembre 1996) « Le téléphone à Rezé en 1953 », par Yann Vince.
Pas de cabine dans les buvettes !
Ah non, non… Pas de cabine téléphonique dans les buvettes. C’est monsieur le préfet qui prend sa plus belle plume en 1929 pour écrire au maire de l’époque, Charles Rivière, en lui précisant que la cabine téléphonique de Ragon ne peut pas être installée dans une salle de buvette (conseil municipal du 7 juillet 1929, archives municipales). Non, mais allô quoi !