L’amicale bouliste Saint-Paul est la seule à proposer la pratique de la boule nantaise à Rezé, et depuis près de
quatre-vingts ans ! Bien ancrée dans le quartier, au-delà du jeu, elle porte haut ses valeurs de solidarité et d’entraide.
Sport ? Loisir ? Passion ? Jeu ? La boule nantaise est tout cela mais, à Saint-Paul, l’amicale bouliste est d’abord une famille qui réunit environ 80 personnes autour de deux pistes. Son local est un lieu chaleureux où l’on ne se retrouve pas que pour « rouler du bois » (l’expression est restée même si les boules sont maintenant en résine) : on partage aussi des moments sympathiques autour du bar, on peut taper la belote dans la véranda pourvue de tables, on organise des repas, des sorties… À Noël, un repas festif est offert aux bénévoles et on tire les rois en janvier avec une soirée cabaret… « Le mot amicale n’est pas anodin ici, souligne Gérard Caseteuble, président. La mixité sociale est complète et nous pratiquons beaucoup l’entraide, nous sommes attentifs les uns aux autres. »
DES CHEMINOTS CATHOLIQUES À L’ORIGINE DE L’AMICALE
Une tradition de solidarité héritée des fondateurs, des cheminots catholiques qui, en 1945, récupèrent au Vieux-Doulon un bâtiment anglais à structure bois qu’ils implantent à Rezé sur le terrain du cinéma (dit « des chevaliers de Saint-Paul » puis « Cercle Saint-Paul »), appartenant à l’évêché. Ils y construisent une première piste de boules, qui remplace celle installée dans le bar du cinéma pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans les années 1950, un second édifice identique vient rejoindre le premier… avec donc une deuxième piste. « Parmi les jeux en activité dans l’agglomération, nous sommes les seuls à ne pas dépendre d’un café. » En 2011, la Ville achète « le cinéma et son terrain, sur lequel nous sommes installés… » L’amicale active alors toutes les compétences réunies parmi ses membres pour remettre les lieux à neuf dans le nouveau « site de la rue
Julien-Douillard ». Entre-temps, en 1991, la création du lycée Notre-Dame avait permis de libérer l’espace joignant les deux salles de boules, qui servait auparavant de vestiaire aux basketteurs. C’est aujourd’hui la salle de convivialité de l’amicale.
DES DIMENSIONS VARIABLES, MAIS DES RÈGLES PRÉCISES
Les dimensions des terrains de boule nantaise ne sont pas imposées précisément : « Ils ont été construits en fonction de la place disponible, de 13 à 15 m de long sur 3 à 5 m en largeur. Les nôtres mesurent 3,40 m x 14 m. » Inscrite au patrimoine culturel immatériel français, estampillée « jeu breton », la boule nantaise use d’un vocabulaire spécifique. Les bords (« charges ») sont incurvés pour se relever d’environ 35 cm. À chaque extrémité, une planche en bois de 5 cm d’épaisseur forme le « talon » dans lequel les boules viennent rebondir. Comme à la pétanque, on lance un « petit » (beaucoup plus gros qu’un cochonnet !), puis on tente d’en approcher les boules le plus possible, en les faisant rouler et en utilisant habilement les rebords, le talon… Les pantoufles sont obligatoires pour ne pas abîmer le sol de la piste : « Autrefois, il était fait de ciment bitumé, maintenant il est protégé par une couche de résine. »
RENCONTRES ET CONCOURS RÉGULIERS ENTRE AMICALES
Chaque année, les boulistes rezéens participent aux concours organisés par la fédération des amicales de la boule nantaise.
Les joueurs s’affrontent par équipes de trois, chacune armée de six boules noires ou blanches (les noires commencent). Hors fédération, Rezé rencontre chaque année les voisins de Bouguenais en « un contre un ». On peut aussi jouer par équipes de deux. Après le lancer et l’immobilisation complète de toutes les boules, l’arbitre annonce la couleur de la boule la plus proche du petit, utilisant au besoin une paille pour mesurer la distance (« paillage »). Le tour (la « mène ») se termine quand toutes les boules sont jouées. On change alors d’extrémité. La partie s’arrête lorsqu’une équipe a marqué neuf points.
UN JEU OFFICIELLEMENT MIXTE DEPUIS… 2013
Mais qui a inventé ce jeu ? Mystère. Une légende attribue son origine à la construction navale, mais cela semble peu crédible aux joueurs. Autre hypothèse : on y jouait dans des douves… Le premier jeu nantais était en tout cas sis rue des Carmes au 17e siècle. Mais la boule nantaise prend son essor au début du 20e siècle, et fait florès dans les milieux populaires. « Comme la plupart des joueurs ici, je suis d’abord venu accompagner mon père, quand j’avais 14 ans », raconte Jacques Bonami, secrétaire adjoint de l’amicale. Car la discipline était rigoureusement masculine jusqu’en… 2013, date officielle de l’entrée en piste des femmes. « Cela s’explique par le fait que les jeux se trouvaient majoritairement dans les bars, surtout fréquentés par les hommes. » Les joueuses sont actuellement une douzaine. Le renouvellement générationnel n’est pas encore assuré : « Nous avons organisé en décembre dernier les douze heures de la boule nantaise, pour faire connaître le jeu. Nous espérons que cette découverte amènera de nouveaux membres. Avant le Covid, nous étions 120. Pourtant, ce jeu, qui peut sembler lent, est très dynamique, et loin d’être réservé aux retraités ! »
INFOS – 38, rue Julien-Douillard, 09 51 72 44 03, amibou@free.fr
À Ragon, une variante, la boule ragonnaise
L’amicale La Ragonnaise est née en 1906. Proche de la boule nantaise, ce jeu très répandu dans le vignoble diffère essentiellement par les dimensions du terrain : 3,75 m x 25 m. Les trois pistes du boulodrome René-Figureau à la Robinière, autrefois en sable de carrière, ont été résinées en 2018. L’amicale compte 62 adhérents, dont 12 femmes. Paul Rondeau, qui a récemment passé la main à Joël Biton, membre depuis 1970, fut président pendant vingt ans : « Autrefois, il y avait plus de jeunes. Aujourd’hui, nous accueillons parfois les écoles, on aime bien quand ils viennent. Nous organisons chaque année, avec le centre socioculturel Ragon, la fête des caillebottes, et un repas annuel pour l’assemblée générale. »
INFOS – stade de la Robinière, tous les jours sauf samedi de 15h à 20h, 02 51 70 22 31, amicaleragonnaise@outlook.fr