Le Vagabond est devenu Le Ville de Rezé
(septembre 2019)

Mardi 21 mai 2019, le maire a officiellement baptisé Le Ville de Rezé, un fier navire… désormais terrestre, construit à Trentemoult en 1973 et reconverti par Bathô en habitat insolite.

Construit en 1973 à Trentemoult, Le vagabond a été immatriculé pour la première fois à La Rochelle en 1974. C’est donc après quelque quarante-cinq années de navigation que ce voilier, de type « Mopelia » (du nom d’un atoll tahitien), vient d’achever sa carrière sur l’eau. Conçus par Charles-Élie Chauveau, architecte naval oudonnais inventeur de la quille relevable, les Mopelias sont des voiliers de plaisance de 8,50 m adaptés à la croisière côtière, présentés comme « rationnels et confortables en mer et au port, pour cinq personnes », « luxueux » car parés d’un « véritable plaquage de bois verni inaltérable ». La quille rétractable du bateau permet à ses occupants de « dormir bien échoué dans un petit port, visiter des criques peu profondes, flâner sur les canaux ou les rivières » ; il peut être transporté par la route mais aussi « voguer vers l’Angleterre, l’Espagne ». La finesse de réglage de sa quille et sa jauge de vingt pieds en font un vaillant compétiteur de régates.

Fleuron du Chantier du Port

Le Mopélia fut l’un des fleurons du Chantier du port (Berthaud-
Lebeaupin). Coll. Lebeaupin.

Construit à des dizaines d’exemplaires, le Mopelia est l’un des fleurons du Chantier du Port (Berthaud-Lebeaupin) de Trentemoult, actif comme ses voisins les Chantiers Bézier et Aubin pendant la deuxième moitié du XXe siècle. Ces entreprises familiales s’inscrivaient dans une tradition de construction navale rezéenne commencée au XIXe  à Norkiouse et Trentemoult, marquée par la construction de trois-mâts en bois au début du XXe, et parsemée des œuvres des pêcheurs construisant eux-mêmes leurs canots « basse-indrais », utilisés pour la pêche mais aussi la régate.

La diaspora de la flotte rezéenne

Nés à Rezé, des centaines de Belougas, Mopelias, Muscadets, Cognacs… ont navigué sur toutes les mers du monde et porté haut en régates le savoir-faire de leurs constructeurs. Une grande partie de cette flotte rezéenne compte désormais parmi les très nombreux bateaux de plaisance devenus inaptes à la navigation.

Tel Le vagabond qui, ayant perdu sa dérive, agonisait au Croisic. Son propriétaire l’a cédé au chantier Bathô contre un euro symbolique, pour lui offrir une deuxième vie… à terre. Après quelques semaines de soins intensifs, le voilier a retrouvé des couleurs, de la splendeur, et commence une nouvelle carrière en tant qu’habitat insolite. Le 21 mai dernier, il a officiellement été rebaptisé Le Ville de Rezé et placé pour trois ans à disposition de la ville qui le parraine. Tout pimpant, il a immédiatement entrepris sa reconversion en faisant office de plateau média fin mai sur l’île de Nantes pour l’événement Débord de Loire et en participant fin juin à l’exposition La mer XXL.

Bathô, aventure nautique et humaine

Ainsi, si l’on ne construit plus de navires à Rezé, on travaille désormais à leur résurrection et leur réinsertion ! Né en 2017, le chantier Bathô a pris ses quartiers rue  de l’Abbé-Grégoire en février 2018. À sa tête, deux Rezéens « parfaitement complémentaires » : l’un, Romain Grenon, est un ancien marin militaire devenu spécialiste dans la production, la logistique et le composite ; l’autre, Didier Toqué, a travaillé pendant vingt-cinq ans dans la gestion moderne et durable des déchets et l’économie sociale et solidaire (il a créé plusieurs entreprises réunissant ces secteurs et organisé de grands congrès sur la gestion des déchets). Ils ont en commun une formation en grande partie autodidacte et partagent un intérêt pour les bateaux, l’environnement et l’humain. Ils se sont rencontrés tout simplement parce qu’ils étaient voisins à Trentemoult. L’idée de recycler des bateaux a germé lors d’une discussion « sur un banc, place Major, raconte Didier Toqué. En France, il y a un million de bateaux immatriculés âgés d’une quarantaine d’années, dont les propriétaires ont en moyenne 65 ans. Ces bateaux sont en polyester, un matériau impossible à recycler. Ce sont des centaines de milliers d’embarcations dont il va falloir se débarrasser… Nous avons eu l’idée de les transformer en « bateaux à terre » pour des « croisières immobiles ». » Ce, en appliquant les principes qui lui sont chers : solidarité et utilité sociale. L’idée séduit la Ville, qui met un local désaffecté à disposition de la structure. Le succès est immédiat, la renommée déjà internationale, car plusieurs pays d’Europe s’intéressent à ce concept original. Bathô a créé six emplois et accueille régulièrement des stagiaires, car le partage d’expérience fait aussi partie des valeurs de l’entreprise. Romain se charge de la production, Didier s’occupe de « tout le reste ! ». Bathô prend donc joliment le relais de ses aînés constructeurs navals des bords de Loire.