20 ans ont coulé sous le pont
(avril 2011)

Cela fait 20 ans qu’il enjambe la Loire à 50 m de hauteur et qu’il déroule son long tablier incurvé aux 90 000 véhicules par jour. Le pont de Cheviré, trait d’union entre le nord et le sud.

« Sa courbure, sa finesse, sa légèreté » lui valent une place de choix dans le cœur de son architecte, Philippe Fraleu, qui fit des ouvrages d’art sa spécialité. « Il est de ceux qui ont marqué ma vie professionnelle. » Même si ce qui prévaut est la sécurité structurelle de l’ouvrage, Cheviré est fin, transparent, aucun ergot n’affleure. Les formes trapézoïdales des piles, leurs reliefs, les joues inclinées des travées lui confèrent une esthétique particulière. L’architecte et l’ingénieur chef de la division des grands ouvrages du Setra*, Michel Virlogeux, ont en commun le goût de l’élégance et de la simplicité. « Je n’aime pas la fantaisie ni l’hérésie technique. Une structure ne doit pas mentir, elle doit être perçue comme elle fonctionne et fonctionner comme elle est perçue », affirme l’ingénieur, concepteur du pont de Normandie, du viaduc de Millau et de quelques autres centaines de ponts en France et à l’étranger…. « Michel Rocard, qui inaugura le pont de Cheviré le 27 avril 1991, soulignera particulièrement son aspect esthétique », se souvient Philippe Fraleu.

Inauguration du pont par Michel Rocard, Premier ministre, en 1991.

Suspendu à 50 m au-dessus de la Loire

La beauté en plus de l’objectif fonctionnel du pont : relier le nord au sud sans hypothéquer l’avenir du port de Nantes. « Nous ne pouvions réaliser un pont à haubans du fait de la proximité de l’aéroport qui ne nous autorisait pas à dresser de grands pylônes », explique Michel Virlogeux. La hauteur de sa travée perchée à 50 m permet de laisser passer des cargos, de gros navires transportant du bois, des paquebots de croisière qui accostent quai Wilson… Les deux viaducs en béton qui supportent le tablier central se trouvent à terre, de part et d’autre du fleuve. Ce qui évite d’éventuelles collisions de bateaux avec des piliers qui fragiliseraient la structure. Atypique, ce pont de 1 560 m demeure une prouesse technique. Sa courbe en forme de point d’interrogation est en fait une réponse aux contraintes de raccordement aux routes existantes. Il est donc rectiligne dans sa partie sud et fait une pirouette dans sa partie nord.

pose de la travée du pont

Je me souviens de cette journée où fut hissée à plus de 50 m la travée centrale en métal longue de 162 m acheminée par barge depuis Saint-Nazaire. Cette pose nécessitait d’être réalisée à marée haute. Des milliers de personnes s’étaient déplacées pour assister à ce spectacle extraordinaire.

Philippe Fraleu

Il a désenclavé le Sud-Loire

Clé de voûte du contournement de l’agglomération par l’ouest, il a participé, avec le périphérique, au désenclavement et au développement économique du Sud-Loire et notamment de Rezé en facilitant l’implantation d’entreprises et en contribuant à l’ouverture de nouvelles zones d’activités économiques : Cheviré, Océane,… « C’est simple, un camion qui partait de la zone d’Atout-Sud pour rejoindre la route de Rennes mettait une heure quinze, avec le périphérique et le pont il ne lui fallait plus que 20 minutes, rapporte Jacques Floch, maire de Rezé à l’époque. Tout à coup le Sud-Loire et particulièrement Rezé était désenclavé ! » Le pont des Trois-Continents achevé en 1995 y contribuera également.

D’autres ponts l’ont rejoint plus en amont : Léopold-Sédar-Senghor en 2010 qui relie Saint-Sébastien-sur-Loire à Beaulieu, et bientôt Éric-Tabarly, le pont haubané, avec pylône unique de 55 m de hauteur, qui reliera Beaulieu à Malakoff.

*Setra : service technique du ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement qui intervient dans le domaine de la route, des ouvrages d’art et des transports

L’ouvrage a failli être un tunnel

Avant le pont, il fut question d’un tunnel sous la Loire. « En 1977, les communes de gauche de l’agglomération élaborent ensemble un programme d’investissement pour l’agglo qui présente deux points essentiels : le développement des transports publics (tramway) et la création d’un périphérique », explique Jacques Floch. La Région et le Conseil général suivent. L’État également. Ce dernier prendra en charge le passage à Cheviré. Mais choisit-on un tunnel ou un pont grand gabarit pour maintenir l’accès au port ? « On étudie, on compare, on visite des ouvrages en Hollande, en Allemagne… Les deux sont réalisables techniquement. Et financièrement, ils sont équivalents. Pour ma part, je trouvais le tunnel plus innovant. De plus, il pouvait être élargi si nécessaire. De nombreux élus de gauche partageaient cet avis. Élections municipales 1983 : la majorité politique bascule, le pont l’emporte. Ce ne fut pas un choix technique, ni financier, mais plutôt psychologique. Le tunnel sous le fleuve inquiétait… »

Ruban d'or

Un prix décerné par Paul Quilès, le ministre de l’Équipement, du Logement, des Transports et de l’Espace, le 28 octobre 1991, en raison de la qualité des prestations effectuées sur cet ouvrage.

Vidéo

Inauguration du pont de Cheviré (archives INA)