1910 : Rezé sous les eaux
(décembre 2010)

Décembre 1910. La Loire et la Sèvre sortent de leur lit. L’eau envahit les rues, les maisons, les boutiques… Un quart de la population est sinistré.

Trentemoult, place de la Bascule

« Dans la maison, tout est dégradé. Les murs sont imprégnés de cette eau malsaine jusqu’à un mètre de hauteur », écrit Mathilde Dubois, habitante au 41 de la rue Alsace-Lorraine, en janvier 1911. Des courriers comme celui-là, Jean-Baptiste Vigier, maire de Rezé, en reçoit des dizaines pendant l’hiver 1910-1911. Car les inondations frappent plus qu’à l’accoutumée ses administrés. La dernière crue de cette ampleur remonte à deux siècles.

Un bon quart de la population, soit 2 500 habitants, est victime des intempéries. Environ 310 hectares de terres sont inondés. À Trentemoult, Haute-Île, Basse-Île, Pont-Rousseau et même dans le bourg – l’actuel quartier de l’hôtel de ville – on vit les pieds dans l’eau.

 

En décembre 1910, le comte Henri de Monti, propriétaire du château de Rezé, écrit à son neveu : “Mon cher Bernard, tu pourras, par cette photographie, démontrer à Marcelline qu’elle est plus en sécurité au Trocadéro que sur les routes de ton pays natal.

Distribution du courrier en canot

Des pontons ont été installés rue Alsace-Lorraine pour que la vie suive son cours.

Certains commerçants sont obligés de mettre la clé sous la porte. Une débitante de tabac (buraliste) ou boissons de Trentemoult le souligne : « J’ai été forcée de fermer pendant huit semaines, ayant eu chez moi 1,40 m d’eau ». Cette eau transforme ce village en petite Venise, oblige ses habitants à se déplacer en barque et le facteur à distribuer le courrier à bord d’un canot.

À Pont-Rousseau, les commerçants aménagent des pontons en bois pour permettre aux riverains de circuler et surtout de s’approvisionner. Mais ils souffrent et s’associent pour solliciter l’aide des pouvoirs publics : « La cruelle inondation que nous venons de subir plonge la plupart d’entre nous dans une position lamentable, semblable à celle de l’ouvrier. Aux pertes de marchandises, avaries des matériels, chômage absolu, s’ajoutent les échéances commerciales et la charge familiale. » Plus de 300 ouvriers, pêcheurs, petits artisans se retrouvent également sans travail.

Crainte des épidémies

Trentemoult – route de Norkiouze

L’État et le Département – par l’intermédiaire de Victor Rault, préfet de la Loire-Inférieure – débloquent des fonds à leur attention. Chaque chômeur reçoit entre 5 et 25 francs. Peu à peu, la solidarité s’organise. Une souscription communale est lancée. On fait la quête au banquet des pompiers au profit des sinistrés. Paul Bellamy fait un geste : « Il n’est pas possible, à l’heure où je viens d’être nommé maire de Nantes que ma pensée n’aille pas vers les malheureux atteints par les inondations (…) Rezé, qui est comme un prolongement de Nantes, mérite d’être au premier rang dans notre sympathie. C’est pour traduire ce sentiment que j ‘ai l’honneur de vous adresser une somme de 100 francs. »

A la préfecture, on s’affaire pour imprimer des avis en quantité suffisante afin d’informer la population des précautions d’hygiène à prendre pour prévenir des épidémies, notamment la fièvre typhoïde. Heureusement, l’hiver qui suit s’avère plus clément. Mais en 1923, 1924, 1927 et surtout 1936, les intempéries replongent Rezé dans la difficulté.

Source :archives municipales de Rezé, cote 1 I 8.

Quels risques aujourd’hui ?

Il faudrait une conjonction rare d’événements – crue, fort coefficient de marée, grand vent d’ouest – pour que l’eau menace à nouveau Rezé. Car, depuis les grandes crues du siècle dernier, le lit de la Loire a été creusé et beaucoup de terrains comme ceux d’Atout sud ont été surélevés. Par ailleurs, depuis 2006, le service d’État chargé de la prévision des crues dispose d’une station a Angers qui suit le niveau des eaux – notamment la Loire et la Sèvre – et alerte les autorités en cas de danger. Enfin, un Plan de prévention des risques inondations (PPRI) est en cours d’élaboration afin de prendre en compte la vulnérabilité de l’agglomération nantaise et d’établir des préconisations pour éviter que les populations ne soient mises en danger.