Les jeunes à l’épreuve de la crise

Touchés eux aussi de plein fouet par la crise sanitaire, les jeunes Rezéens sont à la peine. Certains connaissent des difficultés financières, se sentent isolés ou n’arrivent pas à trouver de stage. Une situation accentuée par la crise rapportée par le service jeunesse.

 

Au service jeunesse, situé avenue de la Vendée, on reçoit tous les jeunes. « On les accueille, les informe et les oriente jusqu’à leurs 25 ans, de façon gratuite et anonyme », précise Malika Bouceddour, responsable information jeunesse. Avec la crise sanitaire, le service a vu la situation de nombreux jeunes se dégrader.

Difficultés familiales et financières

Les animateurs sont de plus en plus confrontés à des jeunes en rupture familiale. « Des situations qui étaient tendues avant ont explosé avec le confinement », explique Fabien Lalère, chargé de projets au service jeunesse. Conséquence : certains partent de chez eux ou sont mis à la porte. « On est aujourd’hui face à des situations d’urgence. On accompagne les jeunes dans leurs démarches pour qu’ils ne se retrouvent pas à la rue », ajoute Malika Bouceddour. À cela s’ajoutent les difficultés financières vécues par ceux travaillant dans la culture, l’événementiel, l’hôtellerie, la restauration et le tourisme car ils sont nombreux à avoir perdu leurs petits boulots.

Moral en berne

« Les jeunes n’arrivent plus à se projeter. Dans leurs études supérieures, leur recherche d’emploi, mais aussi dans leurs activités, poursuit Fabien Lalère. Beaucoup décrochent. La crise les atteint moralement. Ils vivent mal le fait d’être privés de vie sociale et se sentent isolés. » Ils ont également moins de projets. « Ceux qu’on accompagnait dans le cadre du dispositif « Booste ton projet » notamment pour partir à l’étranger ont dû annuler », indique Malika Bouceddour.

L’équipe du service jeunesse (à gauche : Malika Bouceddour et Fabien Lalère)

Casse-tête pour trouver un stage

Tous les jours, le service reçoit des demandes de stages. « Les jeunes n’arrivent pas à trouver d’entreprises, soit parce qu’elles ont fermé, soit parce qu’elles ne peuvent pas les accueillir à cause du télétravail », explique Malika Bouceddour. Une situation que connaissent les étudiants de l’Arifts, l’institut de formation en travail social de la cité Marion-Cahour. « Tous sont aujourd’hui partis en stage, mais cela n’a pas été sans mal. Cela a engendré beaucoup de stress chez les étudiants », souligne Marylène Car, responsable de l’établissement.

Inégalités renforcées

Certains s’en sortent mieux que d’autres. « Les inégalités existaient déjà entre les jeunes : la crise les a accentuées », souligne Malika Bouceddour. La fracture numérique est perceptible. « Tous les jeunes ne sont pas équipés d’ordinateur, de connexion Internet, on le voit avec la fréquentation du point Cyb au service jeunesse. »

« De jeunes adultes au démarrage de leur vie professionnelle sont aujourd’hui coupés dans leur élan, vivent leurs études par écran interposé ou connaissent des difficultés financières. Beaucoup ne se projettent plus dans l’avenir. Le service jeunesse est là pour les écouter et les orienter. La Ville a également renforcé ses aides : davantage de jeunes ont accès au dispositif « Je suis volontaire ». »

Dominique Poirout, adjointe au maire en charge de la jeunesse et de l’animation des quartiers

« La crise sanitaire fragilise les moins de 25 ans qui n’ont pas droit au minima sociaux et qui, pour beaucoup, ont perdu leurs petits boulots. La Ville est à leurs côtés. Notamment à travers son centre communal d’action sociale. Toute personne majeure vivant à Rezé depuis plus de trois mois peut solliciter une aide. Beaucoup de jeunes l’ignorent. »

Loïc Chusseau, adjoint au maire en charge de l’action sociale et des populations spécifiques

Parole aux jeunes

« Je suis étudiante à l’Arifts, en 2e année pour devenir assistante de service social. J’ai beaucoup de chance d’avoir trouvé un stage qui me plaît, à Nantes et en présentiel. Ça me permet de tenir moralement. Car c’est dur de suivre les cours en visio et de ne plus voir mes camarades. Heureusement, on a des groupes sur Whatsapp et Messenger pour se donner des nouvelles ou poser des questions. Je vis avec mon copain. On se restreint en ce moment car il a perdu son job étudiant en restauration. On a l’impression que tout est sacrifié. »

« L’an dernier, j’ai suivi une formation d’orientation. Si on n’avait pas été confinés, j’aurais trouvé un travail ou une formation derrière. Ça a joué sur ma motivation. J’ai contacté la Mission locale pour m’aider à avancer sur mon projet professionnel et à être plus à l’aise dans le monde du travail. Je suis timide et je manque de confiance en moi. Je vais bénéficier de la Garantie jeunes. Pendant un an, je vais être accompagnée et toucher une aide de 497€ et essayer de mettre des sous de côté pour avoir mon propre appartement. »

« Je travaillais en intérim en tant que préparateur esthétique automobile sur le site de l’aéroport. J’avais une perspective d’embauche en CDI, mais ça ne s’est pas fait avec la crise. J’ai ensuite eu un autre poste en CDD et depuis, plus rien. Je suis obligé de faire des petites missions « au black ». Sans ça, je n’aurais plus d’argent pour payer les frais de ma voiture. Heureusement, je vis encore chez ma mère. Ça m’a mis un coup d’avoir loupé mon CDI. Mais je ne lâche pas. Ça va reprendre après la crise : je veux vraiment ce poste. »

« Je suis volontaire à la Mission relations européennes et internationales de la Ville. Je réside au foyer Jules-Verne. Pendant le confinement, le manque de contacts et le fait de ne pas pouvoir aller et venir où et quand je voulais, n’a pas été simple. Mais cela m’a permis de réfléchir à ce que j’avais envie de faire et de penser à l’avenir. J’ai la chance d’avoir un travail : les journées passaient plus vite. Depuis, j’ai pu retourner voir ma famille en Tunisie, donc j’ai le moral ! J’espère que le virus va bientôt disparaître. »

Les jeunes à Rezé

Source : Insee – Données 2017

 

Des aides renforcées à destination des jeunes : les connaissez-vous ?

Avant la crise sanitaire, des aides pour les jeunes existaient. Depuis, certaines ont été renforcées, d’autres créées. Voici un tour d’horizon des dispositifs.

La Ville a ouvert le dispositif « Je suis volontaire » à un plus grand nombre de jeunes. À la clé : une aide pour financer leur permis de conduire, leur Bafa ou une formation qualifiante, en échange d’une mission réalisée au sein de structures rezéennes partenaires.

Le Département et la Métropole ont doublé le plafond du Fonds d’aide aux jeunes (FAJ) : jusqu’à 800 euros peuvent être accordés de façon ponctuelle aux 16-24 ans en difficulté pour faire face à leurs besoins (se nourrir, se loger, se vêtir, se déplacer, se loger, se former…). La Mission locale instruit les demandes des jeunes. Elle accompagne également les 16-25 ans vers l’emploi dans le cadre de la Garantie jeunes, un dispositif boosté par le gouvernement. « Pendant un an, on va aider le jeune à reprendre confiance en lui et à trouver sa voie. Un revenu de 497€ lui sera accordé pour subvenir à ses besoins », explique Anne-Claire Deniaud, conseillère en insertion sociale et professionnelle à la Mission locale. La structure a aussi lancé une nouvelle application, Shaker trente et un : des offres y sont proposées toutes les semaines dans des secteurs d’activités variés et les jeunes sont mis en relation avec des conseillers.

Pour les étudiants, les aides sont proposées via le Crous : le repas à un euro au restaurant universitaire, la consultation gratuite chez un psychologue, la gratuité des protections hygiéniques. « Mais elles sont parfois difficiles d’accès pour les étudiants de l’Arifts, précise Marylène Car, responsable de l’institut de formation en travail social de la cité Marion-Cahour. Nous avons de notre côté un fonds nous permettant d’aider les jeunes à se déplacer lorsque leur stage est loin ou à racheter un ordinateur lorsque le leur ne fonctionne plus. »

Autre initiative : les sacs solidaires étudiants. Des points de collecte se développent dans la métropole. Chacun peut y déposer un ou plusieurs sacs contenant des produits non périssables, des tickets restaurant, des produits d’hygiène, des affaires scolaires, des vêtements chauds… Ils seront ensuite distribués à des étudiants en difficulté par l’intermédiaire d’associations. Voir les points de collecte. Voir les points de collecte.
Particuliers et entreprises peuvent aussi se proposer comme point de collecte. En savoir plus.

Dans les trois foyers de jeunes travailleurs de la ville, les jeunes sont accompagnés par des intervenants socioéducatifs. « Trois sont présents dans chaque résidence pour les épauler dans leur projet d’insertion et leurs démarches, précise Florence Urvois, directrice des établissements. Durant le premier confinement, on s’est aperçu que certains avaient moins de 180€ pour vivre… Nous avons mis en place un chèque-service de 40€ pour leur permettre d’acheter des produits de première nécessité. » Une autre aide ponctuelle, « le dépanneur », leur donne aussi accès à 6kg de nourriture pour 1,50€ et à un colis de produits d’hygiène pour 5€.

Le centre communal d’action sociale (CCAS) abonde tous les ans le Fonds d’aide aux jeunes à hauteur de 7 460€. « Mais tous n’y ont pas accès, explique Karine Descantes, responsable du service interventions sociales à la Ville. Je pense notamment à une jeune maman en difficulté qui n’est pas dans un parcours d’insertion professionnelle. En revanche, elle peut solliciter les aides du CCAS. Et bénéficier de bons d’achat, de paniers légumes, ou accéder à l’épicerie sociale. Des aides encore trop peu connues des jeunes. »

Au Secours populaire, les aides alimentaires sont peu demandées par les jeunes. « Sur 220 foyers bénéficiaires, on a très peu de moins de 25 ans et un ou deux étudiants seulement, explique Jean-Claude Hauraix, responsable de l’antenne à Rezé. Alors que l’on sait qu’ils sont de plus en plus en situation de précarité. » L’explication avancée : « Les jeunes pensent sans doute qu’ils n’y ont pas droit. » L’association organise chaque mois une distribution alimentaire, ainsi qu’une boutique solidaire durant laquelle les bénéficiaires peuvent acheter à moitié prix des produits alimentaires, d’hygiène et d’entretien. Elle propose également une vente de vêtements ouverte à tous (en moyenne : 1,50€ l’article) quatre fois par mois. Pour la contacter : 02 28 27 76 37, secourspop.reze@orange.fr.

D’autres aides existent : aide au loyer mise en place par Nantes Métropole et le Département (0800 711 044), aide alimentaire de la Croix-Rouge (02 51 70 05 32), aides psychologiques (Point accueil écoute jeunes de l’École des parents et des éducateurs : 02 40 35 47 73, Fil santé jeune : 0 800 235 236), aides du Département avec un lieu ressource et d’accompagnement (Espace départemental des solidarités à Rezé : 02 53 59 67 50), …

L’appli Tilt pour y voir plus clair

Pour permettre aux jeunes de s’y retrouver, le centre régional information jeunesse (Crij) a lancé l’an dernier l’application Tilt. Elle recense toutes les aides qui leur sont accessibles en fonction de leur situation grâce à l’onglet « À quoi ai-je droit ? », mais aussi des informations pour trouver un emploi, un logement et des bons plans. La Ville de Rezé a participé à sa mise en œuvre dans le cadre du programme d’investissement d’avenir.

Application disponible en téléchargement sur les smartphones (TILT infos-jeunes.fr)

Parole aux professionnels

« En 2020, la Mission locale de Rezé a été en contact régulier avec 1 016 jeunes, dont 259 pour la première fois. Nous en avons reçu 711 en entretien individuel (en moyenne quatre rendez-vous par jeune). Avec la crise sanitaire, beaucoup rencontrent des difficultés à aller de l’avant du fait de leur isolement et de la morosité ambiante. Les opportunités d’emploi ont également diminué, notamment dans des secteurs comme la restauration. Ils n’ont plus confiance en l’avenir. Notre mission est de les accompagner vers l’autonomie. Mais aussi de les informer sur les aides existantes. Beaucoup ne les sollicitent pas. Pour être au plus près des jeunes, nous avons mis en place des permanences tous les quinze jours au service jeunesse. J’y reçois les jeunes sur RDV (à prendre au service jeunesse). »

« Plus de 200 jeunes en formation ou en insertion professionnelle sont hébergés dans les résidences Jules-Verne, Grand-Voile et Quai 37 à Rezé. Ils peuvent rester de 1 à 24 mois, le temps d’acquérir leur autonomie. Avec la crise sanitaire, leur quotidien est bouleversé. L’absence de contacts, notamment avec leurs amis, impacte leur bien-être. Pour que les jeunes ne trouvent pas portes closes lorsqu’ils rentrent chez eux au moment du couvre-feu, des équipes sont sur place jusqu’à 20h. Nous faisons également preuve d’inventivité pour maintenir des animations respectant les protocoles sanitaires. Les jeunes ont vraiment besoin de se rencontrer, d’échanger entre eux et d’avoir ce lâcher-prise. Nous sommes en alerte permanente pour repérer les plus fragiles avant que leur situation ne se dégrade. »

« À l’Arifts, nous avons la chance d’avoir de l’alternance dans toutes nos formations, notamment à travers des stages. Nous ne sommes donc pas, comme à l’Université, uniquement sur des cours en distanciel. Parmi nos 662 étudiants, un grand nombre sont retournés vivre chez leurs parents. Une situation plus ou moins bien vécue selon les jeunes. D’autres sont restés dans leur logement et se retrouvent plus isolés. Quelques travaux dirigés sont organisés en présentiel pour revoir certains étudiants et éviter des décrochages. Nous avons ouvert une salle informatique pour ceux qui suivaient les cours en visio sur leur téléphone. Et pour pallier la fermeture du centre de ressources documentaires, nous avons mis davantage de contenus en ligne, pris de nouveaux abonnements. Malgré le distanciel, la solidarité est restée forte entre les étudiants. Beaucoup ont envie de s’investir au service des autres : ça me rend optimiste ! »

« Depuis le confinement, de nouvelles personnes sont venues chercher de l’aide à l’Espace départemental des solidarités de Rezé : des femmes victimes de violence, des gens se retrouvant à la rue ou en difficulté financière. La crise sanitaire a engendré des tensions dans les familles ainsi que des ruptures d’hébergement. Des personnes déjà vulnérables ont vu leur situation se dégrader. Les jeunes que nous recevons sont surtout des migrants (anciens mineurs isolés) et des femmes avec enfants. Neuf assistantes sociales, trois puéricultrices et une sage-femme sont présentes pour les accompagner. Et mobiliser les aides du Département ou de nos partenaires en fonction de leurs besoins. »

 

Bonnes adresses

  • Service jeunesse : 19, avenue de la Vendée. Ouvert du lundi au vendredi, de 13h à 17h. Sur rendez-vous au 02 40 13 44 25 ou à info-jeunesse@mairie-reze.fr
  • CCAS : hôtel de ville, place Jean-Baptiste-Daviais. Ouvert les lundi, mardi, mercredi et vendredi de 8h30 à 12h30 et de 13h30 à 17h30 et le jeudi de 8h30 à 12h30. Sur rendez-vous au 02 40 84 45 41
  • Mission locale : 8, rue Jean-Baptiste-Vigier. Ouvert les lundi, mardi, mercredi et vendredi de 9h à 12h30 et de 14h à 17h30 et le jeudi de 14h à 17h30. Sur rendez-vous au 02 51 70 26 93. Permanences au service jeunesse un mardi après-midi sur deux