54 % des Rezéens sont… des Rezéennes
Rezé n’échappe pourtant pas à une règle commune à toutes les villes : construites par et pour les hommes, elles ne sont pas neutres.
Selon Yves Raibaud, géographe et membre du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, « la ville est inconfortable pour les femmes car elle est faite par et pour les hommes ». Le chercheur s’appuie sur différents faits. En matière de déplacements, « les femmes éprouvent un sentiment d’insécurité qui les amène à éviter certaines zones ou à privilégier la voiture au détriment du vélo et des transports en commun ».
De même, « l’on conseille aux jeunes femmes de ne pas faire du jogging dans des endroits isolés ou d’éviter certains quartiers… On considère que les garçons doivent sortir, se défouler, alors qu’on dit aux filles de rester tranquilles à la maison. Cette pression les dissuade très tôt d’occuper l’espace public qui, de fait, devient masculin ». ( Propos extraits du site : lejournal.cnrs.fr/auteurs/yves-raibaud)
DÉCLENCHER UNE PRISE DE CONSCIENCE
S’asseoir seule sur un banc, se réunir entre femmes à l’extérieur ou simplement se promener dans son quartier ne va pas de soi pour une majorité de citoyennes. Plus rares que les hommes dans l’espace public, elles ne le fréquentent, dans leur grande majorité, que parce qu’elles ont une raison de le faire : trajet ou surveillance des enfants dans les squares, notamment. Moins pour flâner, se rencontrer, se distraire, comme il est naturel pour les hommes de le faire.
« La situation est tellement intégrée et culturellement admise que cela semble normal », souligne Cécilia Burgaud,élue en charge de la lutte contre les discriminations et pour l’égalité femmes-hommes.
LE CHÂTEAU, QUARTIER « PILOTE »
Dans le quartier Château, en 2019, un groupe de femmes a participé à un diagnostic en marchant qui a permis de pointer les lieux où les femmes ne se sentent pas à l’aise, pas bienvenues. Le projet de transformation en cours au Château donne l’occasion de faire du quartier un « pilote » en la matière. Une démarche participative autour de marches exploratoires est proposée, pour chercher à comprendre pourquoi et, si possible, remédier au problème. Pour cela, un prestataire spécialisé a été retenu après appel d’offres : Womenability.
Rejoindre l’atelier participatif « Marches exploratoires »
Créée en 2015, cette association a conçu un protocole autour de quatre axes :
- identifier des problématiques rencontrées par les femmes grâce à des marches exploratoires ;
- former des acteurs locaux qui participent à ces marches ;
- s’inspirer des bonnes pratiques réalisées ailleurs ;
- sensibiliser à l’inégale appropriation de la ville entre les hommes et les femmes.
« Ces experts, qui étudient la question partout dans le monde, seront à même d’établir avec les habitantes un diagnostic, puis des avis, recommandations et préconisations qui pourront être intégrés au projet », précise l’élue. Embellissement du quartier, propreté, éclairage, mobilier urbain… Toutes les pistes seront explorées et l’expérimentation pourrait ensuite s’étendre progressivement à tous les quartiers de Rezé.
DES COURS D’ÉCOLE NON GENRÉES
À Rezé, les associations sportives et la Ville ont enclenché la dynamique : pas de jeu, pas de sport réservés aux seuls garçons. Au skatepark, des animations sont proposées par le service jeunesse aux filles, encore assez peu présentes dans cet univers.
Autre chantier que la municipalité souhaite engager : le réaménagement des cours d’école. Dès l’enfance, les petites filles ont bien compris qu’elles devaient occuper l’espace de façon restreinte alors que les petits garçons pouvaient déborder et occuper tout le terrain. Dans les cours de récré, cela se matérialise par le terrain de foot, au beau milieu de la cour, qui oblige les filles à jouer sur les bords qui restent. C’est facilement réversible si on propose, à la place, des jeux qui plaisent aux deux sexes. Ainsi, les filles et les garçons joueraient ensemble.
« Dans les cinq prochaines années, les cours d’école rezéennes seront réaménagées, au rythme d’une ou deux par an, en commençant par les plus abîmées, pour en faire des espaces non genrés et inclusifs pour toutes et tous, y compris les enfants en situation de handicap », ajoute Cécilia Burgaud.
En signant la charte européenne pour l’égalité des femmes et des hommes, la Ville de Rezé s’est engagée à intégrer cet aspect dans ses politiques publiques, et notamment dans les aménagements de l’espace public, traditionnellement occupé par les hommes, où les femmes ne font que passer sans s’y investir. Il faut commencer par déclencher une prise de conscience de cet état de fait, puis trouver
des solutions pour le changer.
En France, dans le monde, les femmes prennent la rue
Des marches pour changer les choses.
Comme bientôt au Château de Rezé, partout en France, des femmes se réunissent pour parcourir leur quartier et l’améliorer. À leur demande, des réalisations ont été faites : à Bordeaux, des bancs devant l’école ; à Avignon, un meilleur éclairage…
L’association Womenability, qui interviendra à Rezé, parcourt le monde en quête de bonnes pratiques à même de rendre les villes bienveillantes et accueillantes pour toutes et tous : à Bombay, en Inde, des femmes organisent des marches de nuit pour se réapproprier les rues de la ville ; à Baltimore, aux États-Unis, des cours de réparation de vélo sont réservés aux jeunes filles, afin
qu’elles puissent circuler plus librement ; à Montevideo (Uruguay), un jeune entrepreneur a créé un jeu vidéo qui permet de se mettre
à la place des femmes régulièrement agressées dans des lieux publics ; à Budapest, un circuit touristique fait découvrir les femmes qui ont marqué la ville ; à Wellington en Nouvelle-Zélande, le « bonhomme » piétons aux feux tricolores a la silhouette d’une célèbre suffragette…