Le 19 mars, jour anniversaire du cessez-le-feu proclamé en Algérie en 1962, la France honore les femmes et les hommes disparus lors des combats en Algérie, Maroc et Tunisie.
À Rezé, une commémoration se tiendra à 12h devant le monument aux morts, place Roger-Salengro, en présence d’Agnès Bourgeais, maire de Rezé, de Philippe Audubert, adjoint aux anciens combattants, de l’Association républicaine des anciens combattants et des victimes de guerre (Arac), de l’association nationale des cheminots anciens combattants (Ancac) et du comité rezéen de la Fédération nationale des anciens combattants d’Afrique du Nord (Fnaca). À cette occasion, Yves Coicadain recevra la croix du combattant.
Cette commémoration est importante car c’est aussi une partie de l’histoire de la ville. Nombreux sont les Rezéens à être partis en Algérie. Nous ne devons pas l’oublier.
60 ans après, les Rezéens se souviennent
Le 18 mars 1962, les accords d’Évian amorçaient la fin de la guerre d’Algérie et le début de son indépendance. Près de deux millions de soldats français ont été embarqués dans ce combat qui aura duré presque huit ans. Parmi eux : 600 Rezéens.
En 1954, la France vient de perdre la guerre d’Indochine. Pas question de laisser filer une autre colonie : l’Algérie. Alors, lorsque le 1er novembre les nationalistes du Front de libération nationale (FLN) déclenchent les hostilités avec la « Toussaint rouge », une vague d’attentats contre les Français en Algérie, la France riposte. C’est le début d’une guerre, qu’on ne nommera pas ainsi pendant longtemps. Depuis la métropole, le conflit est considéré comme une opération de « maintien de l’ordre ». Il nécessite pourtant, dès 1955, une mobilisation massive : plus de 400 000 soldats sont envoyés sur place, rejoints par 343 000 Français appelés ou rappelés.
600 REZÉENS MOBILISÉS
On estime à 600 le nombre de jeunes Rezéens envoyés en Algérie. Parmi eux : Auguste R., rappelé en 1956*. Ayant effectué ses dix-huit mois de service militaire, il se pensait libéré de toutes obligations armées et avait repris le travail à la ferme de ses parents. Il recevra pourtant sa convocation pour l’Algérie. Il se rappelle « avoir accepté difficilement cette situation » ainsi que « le train l’emmenant à Marseille rempli de rappelés en colère qui ont saccagé les locaux lors d’un arrêt prolongé du convoi en gare de Miramas ».
LA VILLE SOUTIENT LES COMBATTANTS REZÉENS
Le 29 septembre 1956, le conseil municipal rezéen décide d’octroyer au Comité national d’aide aux soldats d’Algérie une somme de 50 000 francs. En 1960, la Ville souhaite adresser un colis de Noël aux Rezéens servant en Algérie. Mais la situation financière difficile de la Ville ne le permet pas.
« INDÉPENDANCE INÉLUCTABLE »
En 1958, le général de Gaulle, exilé du pouvoir politique depuis 1947, est rappelé pour restaurer le pouvoir français. Mais il n’y parviendra pas. Le 18 mars 1962, les accords d’Évian sont signés, donnant à l’Algérie son indépendance. Le lendemain, un cessez-le-feu est proclamé. Yves C., Rezéen appelé en 1958*, estime que cette guerre était « inutile. L’indépendance algérienne était inéluctable. »
36 FAMILLES RAPATRIÉES À REZÉ
L’indépendance accordée, les pieds-noirs (Européens installés en Algérie) sont contraints de quitter précipitamment le pays. Un grand nombre viennent se réfugier en France, essentiellement en région parisienne et dans le Sud. En Loire-Atlantique, le préfet demande, dès juillet 1962, à ce que 10 % des logements locatifs sociaux livrés leur soient réservés. À Rezé, 36 familles ont été accueillies entre mars 1962 et janvier 1963. Le maire de l’époque, Alexandre Plancher, souhaite que la Ville montre l’exemple : des postes en mairie leur sont même réservés.
11 REZÉENS DÉCÉDÉS
La guerre aura fait beaucoup de morts dans les deux camps : 24 000 militaires côté français et 250 000 côté algérien. Sans compter les victimes civiles. Onze Rezéens perdront la vie dans ce combat : Jean Emerit, Jean Claude Guilbaud, Claude Gougy, Bernard Ledouarin, Bernard Le Ridant, Michel Macé, Donatien Marchand, Paul Michel, Jean Pelletier, Maurice Proux et Michel Relandeau. Tous avaient entre 19 et 23 ans. Leurs noms figurent sur le mémorial départemental dédié aux soldats ligériens morts en Afrique du nord entre 1952 et 1964, situé place Sarrail, entre Nantes et Rezé.
L’APRÈS-GUERRE : SE RÉADAPTER À LA VIE
Pour les soldats revenus en vie, la guerre aura laissé des traces. C’est le cas d’Antoine F., Rezéen appelé en 1957, décédé en 2015. Sa femme Liliane raconte* : « Quand il est rentré, il était très abîmé psychologiquement. Les deux premières années de notre mariage ont servi à le remettre sur pied, et plus encore, à lui faire retrouver une vie et une vision plus réaliste et plus saine de la vie. À lui faire effacer de son esprit la haine que tous ont rapportée de cette expérience. »
Je suis particulièrement heureux de n’avoir tué personne et de pouvoir ainsi dormir tranquillement.
Ma jeunesse a été perdue et je me demande ce que je suis allé faire en Algérie.
*Témoignages issus de l’ouvrage Pour faire mémoire… Témoignages d’anciens d’Algérie, réalisé par le Comité départemental de la FNACA de Loire-Atlantique.

Guerre enfin reconnue

La guerre d’Algérie, il la connaît. Jacques Floch, ancien maire de Rezé et ancien secrétaire d’État chargé des Anciens combattants et Victimes des guerres, y est parti à 20 ans. « On ne nous a pas expliqué ce qu’on venait faire ici. On nous disait juste qu’il fallait défendre la civilisation judéo-chrétienne. Mais pour beaucoup, cela ne voulait pas dire grand-chose, explique-t-il. On ne parlait pas de “guerre” car un gouvernement ne peut pas faire la guerre à son peuple. Pourtant, c’en était une, avec toutes les saloperies possibles. » En 1999, la proposition de loi qu’il rédige pour reconnaître officiellement la guerre d’Algérie est votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale.